Edito de Frank ALÉTRU, Président du Syndicat National d’Apiculture et Vice-président de l’Association des Apiculteurs professionnels européens (EPBA)

Pour une apiculture plurielle et solidaire

La récente crise du marché du miel a mis en difficulté économique une partie des apiculteurs professionnels qui ne parvenaient pas à écouler au juste prix leur production. Très tôt l’an dernier, le Syndicat National d’Apiculture (SNA) en avait informé les deux ministères concernés et un plan d’actions en faveur des apiculteurs sur-stockés en miel devrait être prochainement proposé par le ministère de l’Agriculture. Cependant, le passé de la France a déjà tristement démontré, lors de périodes politiquement ou économiquement difficiles, que des individus au raisonnement « court » profitent de ces
contextes compliqués pour porter et diffuser des jugements infondés ayant pour but de trouver un coupable à tout prix pour la défense de leurs propres intérêts.
C’est exactement ce qui s’est passé au cours de ces derniers mois. Le SNA a été alerté par de nombreux adhérents inquiets nous signalant tantôt des propos scandaleux et choquants
tenus sur les réseaux sociaux et dans la presse, ou lors d’interviews qui provenaient d’une poignée d’apiculteurs professionnels.

En effet, les théories qu’ils ont développées avaient pour objectif d’attribuer la responsabilité de la récente crise européenne du marché du miel à la présence d’apiculteurs « petits producteurs » sur les marchés, en les accusant de représenter une concurrence déloyale. Cependant, cette hypothèse s’avère dénuée de tout bon sens. En effet, la France dispose d’une production nationale de miel qui oscille selon les
années entre 15 000 T et 35 000 T, tandis que la consommation nationale culmine entre 45 000 T et 52 000 T (source FranceAgrimer).

La production française est donc chaque année systématiquement confrontée à un déficit de production s’élevant à 10 000 tonnes de miel au minimum ! Il y a donc bien la
place sur le marché français du miel pour la commercialisation du petit millier de tonnes de miel resté invendu, prouvant ainsi que le problème ne provient pas de la minime part des ventes réalisée par les « petits producteurs » qui existent d’ailleurs depuis toujours.
Dans les faits, cette crise du marché du miel est provoquée par la concurrence acharnée que se livrent les enseignes de la grande distribution au détriment des producteurs français.

Pour y répondre, elles font appel à d’importantes quantités de miels d’importation « Premier prix » sans cesse croissantes et insuffisamment contrôlées, comme le mentionne l’enquête européenne « From the Hives » et qui remplacent le miel de France dans les rayons des GMS. Ces quelques apiculteurs professionnels qui souhaitent la disparition des « petits producteurs » doivent admettre que ceux-ci n’y sont pour rien car ce ne sont pas leurs miels qui se trouvent en vente dans les rayons des GMS à 6,00 €/kg, mais bien les miels d’importation.

Ils doivent aussi prendre conscience que les millions d’euros de subventions attribués exclusivement aux professionnels par FranceAgrimer sont obtenus en partie grâce aux centaines de milliers de ruches détenues et déclarées par les « petits producteurs
» car elles sont comprises dans la déclaration du nombre de ruches faite par l’État français auprès de Bruxelles. Que ces « petits producteurs » doivent tenir une comptabilité de leurs
ventes de miel dès le premier pot, et aussi cotiser parfois à la MSA ainsi qu’à l’inefficace et fantomatique Interprofession InterApi sans rien en retour. Que sans la présence de ces milliers de « petits producteurs » lors des manifestations contre les pesticides « néonicotinoïdes », et sans le financement des frais de justice et d’avocats pour en obtenir leurs interdictions, assumés par les syndicats apicoles composés à 80% de « petits producteurs », ces produits toxiques seraient toujours autorisés ! Que les tarifs d’assurances apicoles, et le tarif à la ruche de l’éco contribution ne seraient pas à si bas prix sans le poids des dizaines de milliers de « petits producteurs ». Ce groupuscule de
professionnels oublie aussi que sans les « petits producteurs », le nombre de fabricants et de distributeurs de matériel apicole fondrait comme neige au soleil tandis que les prix des matériels, consommables divers, et produits de nourrissement flamberaient.
Qu’il en serait de même pour les médicaments vétérinaires.

Que « les petits producteurs » entretiennent une image positive de la qualité du miel de proximité et qu’ils participent au maintien de la biodiversité. Qu’ils défendent l’abeille et font gracieusement la promotion du miel et des produits de la ruche dans les écoles, sur les foires et lors des fêtes de pays. Qu’ils assument bénévolement la formation des apiculteurs dans les ruchers-écoles qui sont les pépinières des futurs apiculteurs.
Et pour finir, que ce groupuscule demande à leurs collègues apiculteurs-éleveurs pros qui vendent chaque printemps des milliers d’essaims aux « petits producteurs » s’ils souhaitent la disparition de cette clientèle. Il est vraiment regrettable que ce groupuscule ressorte ces vieux anathèmes qui sentent la naphtaline.

Alors, qu’ils se raisonnent et qu’ils disent plutôt un grand Merci aux « petits producteurs ».
Le SNA qui regroupe plus de 26 000 apiculteurs adhérents, professionnels, pluriactifs ou « petits producteurs » défendra, comme il l’a toujours fait depuis sa création en 1920, une apiculture plurielle, solidaire et unie car nous sommes tous complémentaires, comme le sont les différentes castes d’ouvrières dans la ruche !

Frank ALÉTRU, Président, apiculteur professionnel, qui n’a jamais oublié qu’il avait commencé avec trois ruches.


 

SOMMAIRE

3 Édito
Pour une apiculture plurielle et solidaire

6 réglementation internationale
Projet d’une norme ISO Miel

9 Actualités
Sénat : nouveau projet de loi pour endiguer la prolifération du FA
Crise du marché du miel

10 sanitaire
Enquête OMAA sur les mortalités/affaiblissements de colonies d’abeilles

12 La rubrique du néophyte
En avril, surveillance intensive

14 Réponses aux lecteurs

18 Pratique apicole
« Tant vaut la reine, tant vaut la ruche » mais pas seulement !

20 OUTILLAGE APICOLE
Des pochoirs en inox pour le marquage des ruches

22 Revue des revues
Les abeilles à la carte

24 ethologie
Auto-organisation et comportements collectifs dans les colonies d’abeilles (1)

28 reportage
Éthiopie – Septembre 2011
Les tribus du miel

34 Ethologie
L’abeille, une architecte doublée d’une ingénieure

38 Société Centrale d’Apiculture
Les pollinisateurs face aux défis du réchauffement climatique
Impacts et défis pour les abeilles domestiques

44 Planète miel
Contrôle et traçabilité des produits de la ruche par la palynologie – 35

46 RECETTES AU MIEL
Curry de porc aux pêches et au miel d’été
Gâteau au chocolat, aux noisettes et au miel d’été

48 Vie des structures apicoles

52 Évènementiel

53 Librairie

57 Petites annonces

60 Abonnement & formules packs

62 Infos pratiques