Edito de Frank ALÉTRU, Président du Syndicat National d’Apiculture et de l’Association des Apiculteurs professionnels européens (EPBA)

Les insectes ne disparaissent pas, non, on les tue !
Le « Fonds vert », deux milliards d’euros pour les protéger.

Tous ceux qui observent et s’intéressent un tant soit peu aux pollinisateurs et autres insectes font un même constat évident qui ne date pas d’aujourd’hui, d’année en année, il y a de moins en moins d’insectes. La récente publication d’un énième article scientifique sur la diminution des populations d’insectes dans la revue Biological Conservation vient enfoncer le clou davantage encore, en confirmant que celle-ci a lieu partout, y compris dans des environnements considérés comme protégés.

Un constat maintenant généralisé, que les médias reprennent un à un : « les insectes disparaissent, et après eux, ce seront les oiseaux, les amphibiens, toute la chaîne de la vie
sera touchée et si l’on ne réagit pas, un jour cette extinction atteindra les mammifères ! ».
Mais erreur, soyons précis, les insectes ne disparaissent pas, non, on les tue !
Nous pouvons et nous devons le faire cesser.

Les principaux responsables de cet épisode d’extinction massive, le plus important depuis la disparition des dinosaures, sont pourtant bien connus. En effet, nous n’avons pas affaire à un phénomène mystérieux et inexpliqué. Les principaux coupables sont clairement désignés dans l’étude très documentée « Worldwide decline of the entomofauna » de SANCHEZ-BAVO & al, publiée en 2019. 49,7% de l’extinction seraient dus à l’agriculture intensive par les labours intensifs et profonds, la destruction des haies et des habitats ainsi que la déforestation et l’urbanisation, auxquels viennent s’ajouter à hauteur de 25,8%
l’usage des pesticides et les impacts de la pollution. Les facteurs climatiques et environnementaux divers représenteraient 17,6%. En France, depuis 2004, l’entomofaune subit aussi les assauts destructeurs du frelon asiatique ; l’un des plus importants
prédateurs et consommateurs d’insectes, dont l’expansion semble sans limite en dépassant nos frontières, et contre laquelle rien n’est concrètement fait par l’État pour l’arrêter.
Faudra-t-il que le triste scénario d’un « printemps silencieux », évoqué dans l’ouvrage de Rachel CARSON, s’impose à nous pour qu’enfin le problème soit sérieusement traité et que des solutions urgentes y soient apportées ? L’Asie a exporté vers la France un prédateur de la faune pollinisatrice, cependant, elle n’exportera pas vers nous d’autres pollinisateurs, mais plutôt des produits alimentaires vendus au prix fort !

Deux milliards d’euros pour le « Fonds vert ». Pour freiner cette extinction, les solutions sont toujours les mêmes, elles se trouvent dans une politique ambitieuse d’aide au reboisement et à la replantation des haies, à l’abandon des intrants chimiques au profit d’une agriculture durable et rentable, en permettant à l’agriculteur de gagner sa vie, tout en redonnant sa place à la nature. Le dogme de la croissance continue sur une planète qui disposerait de ressources terrestres infinies est révolu. C’est aussi la reconstruction immédiate d’une trame verte pour permettre le déplacement, l’installation, les flux
génétiques entre les populations d’insectes. Lors du dernier entretien au Secrétariat d’État à l’écologie accordé le 21 février dernier au Syndicat National d’Apiculture et à l’ONG Terre
d’Abeilles, il nous a été confirmé que pour aider à ces réalisations, le fonds d’accélération de la transition écologique dans les territoires, appelé le « Fonds verts » constitué d’un budget de 2 milliards d’euros, était disponible pour soutenir les projets des collectivités territoriales et de leurs partenaires.

Alors ne manquons ni d’imagination, ni d’initiatives quelle qu’en soit l’échelle, locale ou régionale, soyons porteurs de projets à l’aide de nos structures associatives et syndicales apicoles dans les départements, provoquons, organisons et sollicitons les collectivités locales pour nous accompagner financièrement grâce au Fonds vert dans nos projets de plantations de haies, de jachères mellifères, pour nos campagnes de lutte collective contre le frelon asiatique, de chantiers de constructions collectives de refuges et d’hôtels à insectes. Donnons l’exemple, enseignons-le dans nos ruchers-écoles qui sont les
pépinières des apiculteurs de demain !

N’oublions pas non plus que, depuis juillet 2022, nous avons obtenu après des dizaines d’années de combat que les pulvérisations de tous pesticides soient interdites en journée sur les cultures en fleurs. Une première victoire d’étape du syndicalisme apicole vers un futur avec encore moins d’intrants chimiques aux effets délétères sur les abeilles, les autres pollinisateurs, l’environnement et la santé humaine. Les vergers et les champs de colza vont bientôt rentrer en fleurs et la période des traitements phytosanitaires suivra. Aussi, n’hésitez pas à demander dès à présent à votre Chambre d’Agriculture, aux syndicats agricoles de votre département et à votre préfet de faire un rappel bienveillant de cette réglementation auprès des agriculteurs. Mieux vaut prévenir que guérir ! La saison apicole
est lancée partout en France et plus de la moitié du territoire fait face à ce jour à une sécheresse historique. Souhaitons que les pluies arrivent, porteuses d’espoirs et de miellées.

 


SOMMAIRE

3 Édito
Les insectes ne disparaissent pas, non, on les tue !
Le « Fonds vert », deux milliards d’euros pour les protéger

Actualités
6 Nouvelle réglementation des calamités agricoles
7 Pollution des nappes phréatiques en France : l’ANSES interdit l’herbicide S-métolachlore

10 Réponses aux lecteurs

14 La rubrique du néophyte
Mars arrive, les abeilles s’activent !

16 Pratique apicole
Les travaux du mois prochain : une visite de printemps essentielle

20 Rencontre
Le Rucher de l’Escoutay, 40 années royales !

22 Sélection
Giacomo ACERBI, Éleveur de reines

28 Santé de l’abeille
Paroles de Varroa – Partie III
Guerre de tranchées

32 Éthologie
Abeilles en forêt

35 Api-foresterie
Le châtaignier et l’abeille, Une si longue complicité

40 Planète miel
Contrôle et traçabilité des produits de la ruche par la palynologie – 24

42 Apithérapie
Quand la science confirme le bien-fondé de l’usage traditionnel d’un miel monofloral

46 Société Centrale d’Apiculture
Les Vases Ruche de la manufacture de Sèvres

48 Recettes au miel
Filet mignon de porc à la moutarde au miel d’acacia
Biscuits au chocolat et au miel d’été

50 Vie des structures apicoles

54 Librairie

58 Petites annonces

61 Abonnement & assurances apicoles

62 Infos pratiques