Question de L. J.: j’ai lu votre article « Les abeilles dorment-elles? Pourriez-vous m’en faire connaître les sources ?
Le Professeur Docteur Randolf Menzel, chercheur à l’Université Libre de Berlin, zoologiste et neurobiologiste de réputation mondiale et plusieurs fois félicité et primé pour ses travaux sur le cerveau de l’abeille a décrit dans un article paru dans la revue apicole « Deutsches Bienen Journal » de décembre 2008 « Le Sommeil de l’Abeille ».
Question de J. R. : « êtes-vous vraiment sûr que la découverte du « Sommeil des Abeilles » est récente? »
A l’heure actuelle il n’y a que les cafards, les mouches drosophile et les abeilles dont on a officiellement pu déterminer que leur journée comportait une période de sommeil. En effet, pour ces insectes, les chercheurs ont réussi à déterminer les positions qui trahissaient l’état de dormeur. Pendant longtemps le sommeil des insectes a été considéré comme une utopie, car les outils conventionnels de détection du sommeil, (tel l’encéphalogramme), n’étaient pas utilisables chez les insectes.Ce n’est qu’en 1983, qu’en même temps, plusieurs chercheurs ont découvert les modifications du comportement qui trahissaient le sommeil des insectes dont l’abeille. Tout d’abord, la zoologiste Zurichoise Irène Tobler découvrit un comportement des cafards identique à celui du sommeil. A la même époque, un biologiste de l’Université Technique de Darmstadt, le Professeur Walter Kaiser et son épouse constatèrent tout à fait par hasard que les abeilles elles aussi dormaient. Le professeur étudiait la stimulation des cellules nerveuses impliquées dans la vision chez les abeilles. Il s’aperçut avec étonnement qu’aux heures avancées du soir les cellules de la vision ne réagissaient plus aussi vivement qu’en journée, lorsqu’elles étaient confrontées à différents motifs mobiles. Intrigué il compara ses découvertes aux résultats récents d’un groupe de chercheurs qui avaient étudié le sommeil des chats.Pour les mammifères on a pu démontrer le sommeil par la mesure du courant électrique dans le cerveau et ainsi constater comment les cellules nerveuses de la vision réagissaient pendant les phases de sommeil. Découvertes stupéfiantes: les impulsions nerveuses de l’abeille au repos étaient étonnamment conformes à celles d’un chat qui sommeille. Galvanisé par cette découverte Kaiser voulu en savoir plus du sommeil des abeilles et poursuivit ses recherches. C’est ainsi qu’en 1988 il publia dans la revue « Journal of Comparative Physiologie » un article intitulé » même les abeilles travailleuses infatigables ont besoin de sommeil ». Dans cet article il détailla les résultats de ses investigations qui lui permirent d’affirmer qu’il y avait similitude entre le sommeil des mammifères et le repos nocturne des abeilles.C’est ainsi que l’on apprit officiellement que les abeilles elles aussi dormaient. Pendant que Kaiser concentrait ses recherches sur les ouvrières et les butineuses, le biologiste américain Barret Klein étudiait quand et comment leurs jeunes sœurs préparaient leur repos. Ses travaux furent publiés en juin 2008 dans le « Journal of Experimental Biology ».
Question de L. M., » j’ai lu votre article avec intérêt. J’ai aussi lu que des abeilles confrontées au dédale d’un labyrinthe s’en tiraient avec élégance. Peut-on parler alors parler d’intelligence chez l’abeille? »
L’intelligence désigne l’aptitude d’un cerveau à relier les phénomènes entre eux et à en interpréter les signes, ce qui implique la nécessité d’un langage. Les animaux ne vivent pas seulement dans des univers sensoriels différents du nôtre mais également dans d’autres dimensions temporelles. Pour Martin Giurfa chercheur à l’Université de Toulouse les abeilles sont capables d’extraire la structure logique du monde grâce à l’architecture spécifique de leur cerveau, un mini cerveau, certes, mais doté d’un centre d’intégration des sens étrangement surnommé « corps en champignon » et composé d’une masse compacte de 170.000 neurones. Les abeilles viennent au monde équipées d’un cerveau minuscule et saisissent la nature de leur environnement presque instantanément. Leur durée de vie est de quelque semaines seulement, mais elles semblent prêtes à apprendre dès l’éclosion de l’œuf. Ainsi elles vivent dans un univers plus direct, plus rapide que le notre et sont capables de réfléchir et de prendre des décisions bien plus rapidement que nous. Pourquoi? Parce que le processus de traitement de l’information passe par un nombre de neurones plus restreint: quelques centaines de milliers pour l’abeille contre des milliards pour l’homme. La prise de décision est donc plus rapide, plus efficace, adaptée à un monde d’abeilles. En ce qui concerne le langage chacun sait que l’abeille communique avec un langage que nos propres systèmes de perception ne permettent pas forcément de décoder. On sait que lorsqu’elle veut indiquer à ses congénères l’emplacement où elle a trouvé de la nourriture, l’abeille effectue des mouvements du corps, une sorte de danse qui traduit la distance et la direction où se trouve la source de nourriture. Des études récentes mettent en évidence des formes d’intelligence chez toutes les espèces animales. Ce n’est d’ailleurs qu’une confirmation de ce que Darwin écrivait dans son livre « l’Expression des émotions chez l’homme et les animaux » paru en 1872.