Le 3 mai, alors que la question de l‘interdiction des néonicotinoïdes s’apprêtait à être discutée en Commission du Développement durable au Sénat, a eu lieu sous l’oeil bienveillant du sénateur Labbé (EELV, Morbihan), une conférence de presse pour informer sénateurs et journalistes sur les alternatives possibles.
A la tribune, pour parler des alternatives à l’utilisation des néonicotinoïdes, arboriculteurs, producteurs de semences, apiculteurs et Organisations non-gouvernementales (Fondation Nicolas Hulot et Générations futures). Curieusement le S.N.A. a été oublié ainsi que Terre d’Abeilles.
La position du sénateur Labbé est claire et c’est celle qu’il défendra lors de la séance plénière le 10 mai : l’interdiction des néonicotinoïdes en 2018 est un bon compromis, les alternatives existent et il n’y a pas si longtemps que cela (avant 1995), les agriculteurs faisaient sans !
Ce sont les apiculteurs qui, en première ligne, ont tiré la sonnette d’alarme suite à la perte massive de leur cheptel lors des premières mises sur le marché de semences enrobées avec ces neurotoxiques systémiques. Aujourd’hui, ces molécules (imidaclopride, clothianidine, acétamipride, thiamétoxame, thiaclopride) sont présentes partout, dangereuses pour les abeilles mais pas seulement (la santé humaine est, elle aussi, en jeu1), hautement rémanentes et avec une utilisation qui n’a cessé de croître ces dernières années (tableau 1).
Tableau 1 : Imidaclopride, évolution de l’utilisation via le rang d’utilisation (cité par le représentant de Générations Futures)
Imidaclopride | Rang des molécules les plus utilisées en France |
2007 | 60 |
2009 | 36 |
2011 | 27 |
2013 | 15 |
Un inventaire des alternatives Les principes agronomiques de base ont été rappelés : la surveillance des parcelles pour détecter les attaques de pucerons, éviter les semis trop précoces qui favorisent aussi la présence de pucerons sur les cultures, « attendre que la terre soit chaude pour semer le maïs » ; principes que l’on aurait sans doute appelés il y a peu : « le bon sens paysan »… Selon les agriculteurs de la Confédération paysanne, les néonicotinoïdes sont une solution de confort qui favorise une agriculture qui va à l’encontre de l’agroécologie prôné par le Ministre en charge, M. Le Foll. Il en est de même pour l’argument de l’impasse technique avancé par les syndicats agricoles2. En arboriculture, il existerait une alternative pour 90% des utilisations des néonicotinoïdes : confusion sexuelle, autre famille de pesticides en utilisation « flash », filet anti-insecte avec un succès de 100% contre les attaques de lépidoptères. Reste un problème : le coût de ces alternatives…
Quel vote au Sénat ?
La question sera de nouveau débattue le 10 mai en séance. Le sénateur Labbé précise que le Rapporteur de la « Loi Biodiversité », Jérôme Vignon, a déposé un amendement demandant une interdiction pour 2022… Il y a donc encore une grande part d’inconnu sur ce qui va se passer dans les prochains jours mais le Sénateur souligne le fait que le décret autorisant les préparations naturelles peu préoccupantes3 (ex. utilisation du purin d’ortie) est sorti ; c’est un bon signal. Sans compter sur le soutien de Mesdames Pompili et Royal qui sont aussi en faveur de l’interdiction pour 2018 (septembre). Alors, soyons optimistes !
Un regret cependant. La conférence de presse s’est terminée sur un cocktail qui se voulait pédagogique en présentant des amuse-bouche « avec pollinisateurs » versus « sans pollinisateurs ». Objectif manqué car si le message était clair pour les petits fours « sans abeille » (verrines de pâtes, pics en bois vides et tranches de pain sec), les brochettes de poulet et de saumon ainsi que les tartelettes au caramel beurre salé n’avaient nullement besoin de pollinisateurs pour exister…
Quelques chiffres… | |
80% | Des thés contrôlés par l’ONG Générations futures contenaient acétamipride et imidaclopride |
80% | Des orges semées en France sont enrobées avec des néonicotinoïdes |
420 millions | Le nombre d’oiseaux disparus des campagnes en 30 ans. Par exemple, la population de tourterelles a diminué de près de 70% en Europe |
120 milliards | Le coût « santé » imputé aux perturbateurs endocriniens au niveau européen |
200€ (environ) | La contribution française par citoyen pour la PAC |
300 hectares | Surface nécessitant 1 travailleur à temps plein en zone de grandes cultures |
66 hectares | Surface nécessitant 1,5 en exploitation spécialisée semence légumière |
1 L’imidaclopride a été reconnu perturbateur endocrinien avec notamment des effets sur le foetus in utero ; le thiaclopride a été reconnu comme produit cancérogène, pour ne citer que ceux-là.
2 Les représentants de betteraviers et des céréaliculteurs (AGPB) se sont exprimés contre l’interdiction des néonicotinoïdes. En termes « d’impasse technique », les différents représentants apicoles s’étaient entendus en 2015 lors d’une réunion du Comité apicole pour accorder une dérogation aux cultivateurs de fèves et féveroles ; en référence à la bruche. Bruchusrufimanus est une espèce d’insectes de la famille des Chrysomelidae, dont les larves se développent à l’intérieur des graines de fèves et fèveroles les rendant inaptes à la consommation
3 Dit décret « PNPP » ; ce décret est paru le 30 avril au Journal officiel. Il était prévu dans le cadre de la loi d’avenir agricole d’octobre 2014. L’arrêté fixant la liste des substances autorisées sera progressivement renseigné par l’Anses. Les textes législatifs sont disponibles sur le site : www.legifrance.gouv.fr