DEUX OBJECTIFS MAJEURS ET URGENTS POUR LA FILIERE APICOLE

Révision de la mention « Abeille »& Soutien aux travaux du groupe Méthodes Abeilles /pesticides.

Des opportunités à saisir…

En février dernier, le Plan de développement durable de l’Apiculture (PDDA) présenté par le Ministre de l’Agriculture Stéphane Le Foll, intégrait, parmi un panel de mesures, deux objectifs qui s’avèrent prioritaires pour la survie de la filière apicole française et pour son développement futur.
– « La reconstitution du cheptel et le développement de la production pour devenir auto suffi sant en miel »et
– « La modification de l’arrêté sur la mention « abeilles » pour améliorer leur protection ».

Pour faire aboutir le premier objectif, la filière apicole doit faire du second, la modification de la mention «Abeilles», une des priorités d’actions du PDDA puisque ni la mise en oeuvre du plan Ecophyto, ni les formations Certiphyto n’ont permis de réduire la consommation de pesticides en France ; et qu’elles n’ont pas permis non plus d’enrayer significativement les intoxications d’abeilles, ni d’abaisser le taux de surmortalités des colonies liées aux effets des pesticides.

En outre, sur les sites où un plan de lutte collective et alternée contre la varroase a été instauré, une réduction des pertes de cheptel directement liées aux impacts induits par l’acarien a bien été constatée dans les ruchers concernés (par la BNEVP /Enquêtes 2010/2011 Pays de la Loire et Loiret), cependant dans ces mêmes endroits, le taux de surmortalités supérieur de 10%à 20% au taux normal demeure. L’origine est liée aux effets non intentionnels des pesticides.

Tout récemment, le colloque « Santé des abeilles » organisé par l’ANSES ce 21 novembre, a confirmé au travers des différents exposés présentés, la coresponsabilité irréfutable de diverses familles de pesticides sur ce taux de mortalités de colonies d’abeilles anormalement élevés, subit par la filière apicole depuis près de 20 ans.

En nous appuyant sur ce nouveau consensus scientifique, nous devons unir nos forces et tout mettre en oeuvre pour inciter le gouvernement à prendre les décisions qui s’imposent.

Révision de la mention « Abeille »

Regrettant qu’une politique pour une agriculture européenne sans pesticide chimique ne soit pas – hélas, à l’ordre du jour, nous devons exiger du ministère qu’il traite en priorité et dans la plus grande urgence la modification de la mention « Abeilles » régie par l’Arrêté du 28 novembre 2003, relatif aux conditions d’utilisation des insecticides et acaricides à usage agricole. Cet arrêté, devenu obsolète au regard de l’évolution des matières actives utilisées et des technologies d’application, nécessite une réécriture.

Pour parvenir à réduire de manière significative l’impact des pesticides sur les abeilles et autres pollinisateurs et agir ainsi contre les effets non intentionnels des différents traitements chimiques par pulvérisation, la modification de l’arrêté ne doit pas limiter sa portée aux seuls insecticides et acaricides. Elle doit être applicable à l’ensemble des catégories de pesticides sans restriction aucune, notamment fongicides, herbicides, régulateurs de croissance/perturbateurs endocriniens.

TRAVAUX SCIENTIFIQUES A L’APPUI

Les travaux scientifiques démontrant la responsabilité de ces différentes familles de pesticides et de la synergie entre les matières actives dans la surmortalité des abeilles (exemple : insecticides/fongicides) ne datent pas d’hier de même que les études portant sur l’interaction entre pesticides et pathogènes (exemple : insecticide et Nosema), qui génèrent diverses formes d’altération du couvain ou de pathologies.

• En 1965, aux Etats-Unis, le chercheur Morse démontrait l’interaction entre agents pathogènes de la loque européenne, du sac brood et d’insecticides.

• Il est relayé ensuite par les travaux d’Atkins et al en 1971 puis de Gochnauer ; Hughes et al en 1975.

• En 1995, Jean-Noël TASEÏ (INRA) a rédigé une synthèse des différentes manifestations d’impact des pesticides observées, intitulée « Impacts des pesticides sur les pollinisateurs ».

Depuis, de nouvelles publications scientifiques internationales, nombreuses, se sont accumulées – dont notamment les travaux des différentes équipes de chercheurs français, issues de laboratoires publics et indépendants (I.N.R.A / C.N.R.S), qui ont récemment fait l’actualité et qui démontrent, elles aussi, les combinaisons et interactions possibles, les facteurs de stress et les effets délétères, tant sur l’abeille adulte que sur les oeufs, les larves ou les nymphes.

Parallèlement aux actions syndicales apicoles visant à obtenir l’interdiction de certaines matières actives nous devons concentrer nos forces pour aboutir à une réduction de l’exposition des pollinisateurs aux effets négatifs des pesticides.

En cela, la révision de la mention « abeille » est une opportunité rare que la filière apicole ne doit pas laisser passer – même si cette modification de la réglementation française n’est qu’une étape intermédiaire en faveur de plus de sécurité sanitaire pour les pollinisateurs.

PRECONISATIONS DU SNA

Au titre de la modification de l’arrêté du 28 novembre2003/ révision de la mention « Abeilles », et compte tenu des nouvelles avancées scientifiques relatives aux effets délétères de l’ensemble des familles de pesticides sur les pollinisateurs, le S.N.A. préconise, de même que l’ONG Terre d’Abeilles, les mesures suivantes :

• Elargir l’application de ce du texte à l’ensemble des familles de pesticides (insecticides acaricides, fongicides, régulateurs de croissance et herbicides).

• Se référer à l’éphéméride (calendrier solaire) pour définir le cadre légal des horaires de traitements autorisés.

AVANTAGES DES APPLICATIONS DE PESTICIDES À PARTIR DU COUCHER DU SOLEIL

Au plan biologique : Les abeilles cessent de butiner à partir du coucher du soleil. Les traitements appliqués en fin de journée n’exposeront donc pas directement les butineuses aux risques qu’ils présentent au moment de l’application du traitement, contrairement aux traitements effectués à l’aube, qui exposent non seulement les butineuses mais aussi les abeilles porteuses d’eau qui collectent la rosée contaminée par les pesticides utilisés.

Au plan agronomique : Les insectes ravageurs des cultures sont majoritairement des insectes nocturnes.
Les plantes absorbent mieux les matières actives pesticides durant la nuit, en raison d’une hygrométrie généralement supérieure, induisant une plus grande efficacité.

Au plan économique : Une meilleure absorption des bouillies par les plantes en période nocturne permet de réduire les doses de pesticides utilisés.

Au plan sanitaire : Les vents lunaires sont généralement plus faibles que les vents solaires, limitant d’autant les risques de dérive des particules toxiques émanant des épandages de pesticides.
La présence humaine étant nettement plus réduite la nuit, les populations exposées aux effets toxiques de ces pesticides seront moins nombreuses.

ARGUMENTAIRE RELATIF AUX CONDITIONS DE TRAVAIL / HORAIRES TARDIFS DES AGRICULTEURS

Depuis toujours, les agriculteurs ont eu l’habitude de travailler le soir et jusque tard dans la nuit selon les conditions météo et les contraintes dues à leur travail : moissons, etc…

Leur sécurité est bien plus exposée lors des labours, moissons, transports des remorques sur les routes que lors d’une opération de pulvérisation.

Et l’idée du traitement nocturne est déjà tellement dans l’air du temps que des industriels de l’équipement agricole l’ont déjà intégré dans leurs produits, proposant des pulvérisateurs équipés de leds. Ce n’est certainement pas un hasard !

A titre d’exemple : BERTHOUD (c/f : Internet – Plaquette « Bien choisir son pulvérisateur »- Tixad : «Nous traitons souvent de nuit. …. »).

Bien sûr, cette réforme de la mention «Abeille» ne réglera pas, à elle seule, tous les autres problèmes liés à l’usage des pesticides, tels que : la dérive des matières actives par le vent, les poussières, la persistance dans les sols, la rémanence dans les cultures suivantes, la guttation, la systémie, les adjuvants, les bas-volumes, l’encapsulage, les nanoparticules (…).C’est une réforme fondamentale de l’évaluation des préparations phytosanitaires qui est nécessaire, ainsi qu’un soutien efficace à une agriculture écologiquement et économiquement durable.

EFSA : REMISE EN QUESTION DES METHODES D’EVALUATION DU RISQUE

L’autre objectif essentiel pour la filière apicole réside dans l’amélioration des méthodes d’évaluation des préparations phytosanitaires.

Sur ce point précis, le dernier rapport présenté par la commission d’experts scientifiques de l’E.F.S.A met en exergue l’insuffisance, en nombre et en pertinence, des tests d’évaluation du risque pesticide sur les abeilles, actuellement mis en oeuvre pour la constitution des dossiers de demande d’autorisation de mise sur le marché par les firmes ; et ce en particulier pour l’évaluation des effets non intentionnels des pesticides sur les pollinisateurs. Dans ce cadre, l’agence européenne exige donc la mise en place de nouvelles études.

SOUTIEN AUX TRAVAUX DU GROUPE MÉTHODES ABEILLES /PESTICIDES

En écho à cette demande européenne, il a été annoncé, lors du colloque de l’A.NS.E.S ce 21 novembre dernier que « en France, dès 2006, le Groupe de travail « Méthodes abeilles »avait pris, sans attendre, l’initiative de rédiger de nouvelles méthodologies de tests complémentaires et pertinents. »

Notamment :
• Test larvaire,
• Test du comportement du butinage sous tunnel,
• Amélioration du test en plein champ.
Certaines de ces méthodologies ont déjà été publiées par la Commission des Essais Biologiques – preuve irréfutable de la qualité des travaux réalisés.

Le Groupe «Méthodes abeilles» finalise actuellement la rédaction de la méthodologie du test « Contrôle du vol de retour de la butineuse » – tant attendu par la filière apicole. Pour que ce dernier test puisse être validé et obtienne une reconnaissance internationale, une série de « Ring–test » interlaboratoires doit être mis en oeuvre, ceci représente un coût estimé à 150K euros.

Mais lors de ce même colloque, nous avons appris que l’Etat n’envisageait pas de financer le laboratoire porteur de l’organisation de ce « Ring-test » international.

Dans cet objectif, en soutien à la demande du groupe «Méthodes abeilles», le S.N.A. adresse une requête auprès du ministère en charge de l’Agriculture afin de tenter d’obtenir, sans délai, l’attribution des fonds nécessaires à la réalisation de ces travaux scientifiques prioritaires et indispensables.

Si le Ministre en charge de l’Agriculture ne prend pas rapidement conscience de l’impérieuse nécessité de réduire l’exposition des abeilles et des pollinisateurs sauvages aux pesticides en s’employant à faire voter sans tarder une nouvelle réglementation, et s’il n’accorde pas à la révision des critères d’évaluation du risque l’importance qu’elle représente, en trouvant le financement nécessaire aux «Ring-test», il y a fort à parier que le Plan de développement durable de l’Apiculture et les budgets conséquents alloués aux structures techniques désignées pour sa réalisation ne se transforment à brève échéance en tonneau des Danaïdes !

Face à ces enjeux essentiels pour son avenir, l’Apiculture française, forte de sa diversité, doit réunir ses forces et se concerter – comme elle a su le faire dans le passé, lutter avec la même détermination, mener des actions fortes et communiquer aussi, pour la sauvegarde de ses intérêts, de la biodiversité et de la santé humaine.