De paradoxe en paradoxe

Responsable du laboratoire du Centre d’Etudes Techniques Apicoles de Moselle – Lorraine (CETAM) Paul Schweitzer a l’art de désarçonner l’apiculteur néophyte voire même l’apiculteur confirmé quand il affirme, concernant les analyses polliniques des miels : « En faisant cette demande d’analyse les apiculteurs s’imaginent qu’ils vont avoir la composition de leur miel grâce aux pollens qu’il y a dans le miel, on va connaître les fleurs qui ont été butinées par les abeilles et de quoi est fait leur miel voire même sa composition précise or c’est totalement faux ».

Analyse pollinique des miels

L’examen d’un miel au microscope va apporter de nombreuses informations sur le produit et pas uniquement sur les fleurs visitées par les abeilles. L’analyse pollinique va apporter des tas d’autres informations telles que la qualité du travail de l’apiculteur, l’origine géographique du miel, les parasites et les pathologies présentes dans la ruche. Une goutte de miel va contenir de nombreux grains de pollens. La quantité de pollen présente dans un miel est très variable suivant les origines. Dans 10 grammes de miel on peut avoir quelques centaines de grains de pollen et pour les miels qui en ont le plus, des millions. Et encore ceci ne concerne que les miels extraits par centrifugation, pour les miels extraits par pressage ce sont des millions presque des milliards « dans ces cas là, il y a plus à manger qu’à boire ! »

Les grains de pollen

Bien sûr dans le miel, il y a des grains de pollen mais aussi des éléments indicateurs de miellat, des indicateurs sur l’origine botanique des miels et aussi des indicateurs sur leur origine géographique.

Le premier problème que rencontre le chargé d’analyse des miels est que dans les miels on trouve des pollens des espèces qui ont été visitées pour le nectar mais pas uniquement car il y a des pollens qui sont rentrés dans la ruche mais qui n’ont rien à voir avec le nectar et c’est à ce moment que les paradoxes débutent.

Dans le cas du nectar de lavande par exemple, dans 95% des cas il s’agit de nectar de lavandin qui est un hybride stérile qui ne produit pas de pollen, ce qui signifie qu’un miel dit de lavande ne contient pratiquement pas de pollen de lavande, par contre, si avant d’aller sur la lavande l’apiculteur a transhumé sur le châtaignier, on retrouvera essentiellement du pollen de châtaignier car le châtaignier produit des quantités astronomiques de pollen. Ce qui fait que dans le miel de lavande on peut trouver énormément de pollen de châtaignier sans pour autant avoir un miel de châtaigner mais bel et bien un miel de lavande.

Autre paradoxe : le colza. Quel est le pollen que l’on trouve le plus souvent dans le colza outre le pollen de colza ? Le pollen de chêne. Le chêne ne produit pas de nectar et pourtant on vend du miel de chêne qui est purement et simplement du miellat de chêne produit l’été dans lequel on ne trouve jamais de pollen de chêne puisque la floraison du chêne a lieu en même temps que celle du colza au printemps.

Il arrive fréquemment que l’on trouve des pollens de plantes qui ne produisent pas de nectar comme le coquelicot, le chêne, les cistes et que l’on retrouve dans les miels.

L’autre cas est celui des miellats qui ne devraient contenir aucun pollen et pourtant on trouve des pollens dans ces miellats qui capturent des pollens transportés par le vent (anémophiles).

La pratique apicole fausse également l’analyse pollinique particulièrement la transhumance.

Le miel contient également des éléments indicateurs de miellats qui sont des produits qui ne proviennent pas des fleurs mais qui vont être capturés par les miellats. Par exemple, des micro-algues vertes, des spores de champignons, des particules atmosphériques.

Paul Schweitzer conclut cette partie : « Les analyses polliniques des miels amènent des informations sur l’origine botanique des miels mais il ne faut pas prendre à la lettre ces analyses. Une analyse pollinique de miel n’est pas une analyse de composition d’un miel, c’est une information sur les espèces présentes dans l’environnement ».

Origine géographique des miels

L’analyse pollinique des miels amène par contre des informations très précises sur l’origine géographique des miels. Les apiculteurs familiaux ne sont pas concernés par ces indications puisqu’ils savent parfaitement où sont leurs ruches ce qui n’est pas le cas des importateurs de miels du monde entier.

Les banques de données des pollens qui servent de références sont indispensables aux laboratoires d’analyses, elles peuvent représenter des dizaines de milliers de données.

Ambiguïtés et paradoxes toujours

La majorité des miels européens importés en France vient d’Espagne qui possède une flore méditerranéenne même si la partie nord-ouest de l’Espagne a une végétation atlantique. Jusqu’ici tout est normal et pourtant le Portugal qui a uniquement une façade atlantique possède une flore méditerranéenne.

Autre paradoxe. Les miels d’Italie sont très différents des miels espagnols. Le pollen le plus fréquent dans les miels italiens est le pollen du sainfoin d’Espagne. Allez y comprendre quelque chose ! Mais Paul Schweitzer connait la solution. En effet, le sainfoin d’Espagne pousse majoritairement en Italie. Il s’agit en l’espèce d’un problème de sémantique concernant la dénomination de ce sainfoin.

Les pièges parfaits

Les miels en provenance d’Asie possèdent parfois des levures car ces miels ont fermenté en étant récoltés trop tôt ou stockés trop longtemps, ils sont ensuite pasteurisés afin de tuer les levures. Ce sont des miels de très mauvaise qualité quand ils ne sont pas des faux. Paul Schweitzer est formel « Une grande partie des miels qui proviennent d’Asie ou de Chine sont des faux. Ces miels sont adultérés avec les produits sucrants. C’est très bien fait car ces miels correspondent à tous les critères légaux, ils sont conformes ».

Une dernière étude publiée dans le magazine «Que Choisir» a trouvé un chiffre de 30% dans les miels premiers prix en provenance d’Asie (origine non UE). « C’est un atout pour nous et pour la profession apicole française parce que cela permet de dire qu’il faut privilégier les filières courtes, il faut dire au consommateur d’éviter d’acheter des miels dont on ne connait pas l’origine. Si on éduque le consommateur, il est capable de faire son choix en connaissance de cause ».

Les miels produits dans les agglomérations sont aussi très piégeurs au niveau de l’analyse pollinique car la végétation des villes est très exotique de nos jours. L’assistance présente à cette conférence a sans aucun doute enrichi sa connaissance sur les analyses des miels en étant souvent perplexe devant tant de paradoxes pourtant nécessaires à connaître afin d’éviter de se fourvoyer.

Olivier Billard
XXème congrès de l’apiculture française à Colmar – Octobre 2014