Le surréalisme n’est pas mort !

Nous le répétons depuis des décennies, cette fois c’est un exploitant apicole qui le dit : « Ce ne sont pas les amateurs qui vont manger le pain des professionnels ! ». En cette période, ceci est d’autant plus vrai que la France manque cruellement de miel, de pollinisateurs et d’apiculteurs.
Pour ce qui concerne les abeilles mellifères, l’augmentation de leur nombre passe par plusieurs impératifs. Bee Life, association européenne regroupant des syndicats d’apiculteurs d’une dizaine de pays européens, a recensé trois priorités : les pesticides, les conflits d’intérêts lors de l’attribution des A.M.M. et enfin les OGM.
Pour les pesticides, même si l’on peut admettre avec le ministre de l’agriculture que le paquebot court sur son erre et qu’on ne peut pas en quelques années exiger un virage à 180°, des progrès rapides peuvent être obtenus par des changements de mentalité et de méthodes.
Traiter surtout le soir, quand les abeilles sont rentrées à la ruche, et non le matin ou en plein après-midi, peut déjà éviter des mortalités.
Eviter les épandages aériens. Les chiffres de 2013 montrent que c’est possible, puisque 58 dérogations avaient été accordées en 2012 contre seulement 37 en 2013 sur les 43 demandes déposées. Ces épandages ont concerné 15 879 hectares avec 28 dérogations pour la vigne afin de traiter le mildiou et l’oïdium, 4 pour la banane, 4 pour le riz et une pour le chêne, site propice à la chenille processionnaire.
Changer les mentalités, c’est surtout prendre conscience que les pesticides sont nocifs non seulement pour les pollinisateurs et l’environnement, mais aussi en première ligne pour les agriculteurs. Viendrait-il à l’esprit de quelqu’un de sensé, de se protéger contre un produit qui n’est pas dangereux pour la santé humaine ?
C’est bien parce que ces produits sont hyper dangereux que l’ANSES s’est autosaisie en 2011 de la question de l’efficacité des vêtements de protection portés par les applicateurs de produits phytopharmaceutiques. Son travail, dont les résultats sont attendus prochainement, consiste à :
– décrire les équipements disponibles sur le marché,
– décrire les pratiques des agriculteurs et les équipements de protection effectivement portés,
– identifier des équipements apportant un niveau élevé de protection.
Pour le miel, l’organisation du marché passe par plus de transparence. Il semblerait que cela soit une exigence des consommateurs et que cela aille dans le sens de l’Histoire, comme le disait le même exploitant apicole cité précédemment, lequel, curieusement, n’entend plus le consommateur quand il dit ne pas vouloir de pollen OGM dans son miel. Mais ceci est un détail qu’on peut jeter dans les poubelles de l’Histoire. En l’espèce, la controverse porte uniquement sur le souhait du Ministre Stéphane Le Foll de créer une marque ou un logo « Miel de France » et de n’être plus autorisé à indiquer « Mélange de miels originaires et non originaires de la Communauté Européenne », mais de préciser le pays réel de récolte du miel vendu.
Pour ce qui concerne la transparence, on ne peut qu’être d’accord avec le consommateur. Mais, à l’analyse, la mesure est pernicieuse, car il est pratiquement impossible d’avoir raison contre tout le monde et d’être le seul vertueux parmi les 27 pays de l’Union Européenne. En effet, si suivant l’exemple de l’Italie, nous interdisons cet étiquetage qui permet d’emballer en France 5 % de miel français, additionné de 5 % de miel espagnol et de 90 % de miel de Chine, les conditionneurs iront emballer à 50 mètres au-delà de la frontière et le miel, ainsi étiqueté, pourra quand même entrer en France en raison des règles communautaires : le consommateur français n’y aura rien gagné. On pourrait même parler de distorsion de concurrence entre conditionneurs français et étrangers. Mais surtout, si les conditionneurs français venaient à disparaître, les apiculteurs français ne pourraient plus leur vendre le peu de miel qu’ils produisent. Or ce « peu » pourrait redevenir abondant si les conditions venaient à changer .
Mais au fait, l’étiquetage « MIEL DE FRANCE » : bonne ou mauvaise idée ? Si l’on laisse de côté la question juridique, à savoir l’Union Européenne autorise-t-elle ou non une telle pratique, existe-til un miel de France ? ou des miels de France en fonction des terroirs, des plantes et des saisons ? Alors la question de sa définition va se poser et qui va s’y coller ? Vaste programme !
Au fait, on n’a pas eu le temps de parler des abeilles et des apiculteurs, alors on est peut-être condamné à se revoir, mais d’ici là, allez voir florapis.org et contribuez à enrichir cette base de données.