2013, l’année des abeilles et des pollinisateurs ?
Septembre 2012 fut un mois de rentrée chargé : entre conférence environnementale, discussion au niveau des états membres de la Directive Miel, étude sur les OGM peu rassurante et spectre des néonicotinoides… L’année 2013 sera-t-elle celle des abeilles et des pollinisateurs ? Du miel sans pollen génétiquement modifié ? Des abeilles et de leur apiculteur ?
La Conférence environnementale, qui s’est tenue les 14 et 15 septembre 2012 au Palais d’Iéna à Paris, avait pour but d’établir un programme concerté pour une « transition écologique » de la France. La feuille de route émise le vendredi 21 septembre par le Ministère du développement durable s’en veut la traduction1. Elle déroule une liste de mesures qui cadreront le travail du Gouvernement dans les mois à venir.
Cette conférence a été ouverte par le Président de la République et clôturée par le Premier Ministre ; entre ces deux grands discours, ce sont cinq tables rondes, couvrant les grandes thématiques de la transition écologique voulue par le Gouvernement, qui se sont tenues :
1) « Préparer le débat national sur la transition énergétique »
2) « Faire de la France un pays exemplaire en matière de reconquête de la biodiversité »
3) « Prévenir les risques sanitaires environnementaux »
4) « Financement de la transition et fiscalité écologique »
5) « Améliorer la gouvernance environnementale »
C’est sans doute la table-ronde n°2 qui concerne le plus directement les apiculteurs : « Faire de la France un pays exemplaire en matière de reconquête de la biodiversité. »
Il a été acté au point 10 qu’un « plan abeille » serait finalisé d’ici fin 2012 ainsi qu’un plan pollinisateurs sauvages fin 2013. De plus, le Gouvernement s’engage à mettre en place une politique en faveur des pollinisateurs sur les terrains délaissés. Sans plus de précision sur la notion de « terrain délaissé »… Le Gouvernement défendra un verdissement de la PAC (ex. préservation des prairies permanentes) et un nouveau plan en faveur du développement de l’agriculture biologique sera établi avant la mi-2013 dans le but de doubler les surfaces en production AB d’ici 2017.
Le Gouvernement souhaite aussi revenir au principe ferme d’interdiction d’épandage aérien de produits phytosanitaires. L’arrêté du 31 mars 2011 sera révisé et le Gouvernement définira les modalités de sortie de cette pratique. De même, l’efficacité du plan Ecophyto, visant à réduire de 50% l’utilisation des pesticides d’ici 2018, sera évaluée d’ici fin 2012. Sans doute faudra-t-il corriger leur slogan « moins, c’est mieux »2 à la lueur des derniers résultats de l’INRA d’Avignon, et notamment des travaux de L. Belzunces, qui montrent que même à très petite dose, les pesticides peuvent se révéler être aussi toxiques qu’à forte dose… En parlant des effets à faible dose, l’étude conduite par M. Henry et publiée le 20 avril 2012 dans le journal Science, mettait en évidence les effets néfastes du thiamétoxam (molécule active du Cruiser, récemment interdit en France) : une partie des butineuses après avoir été exposées à la molécule ne revient pas à la ruche.
Le 21 septembre, les résultats de nos équipes de recherche françaises sont contestés par des scientifiques britanniques de l’Agence de recherche pour l’environnement et l’alimentation (FERA) et l’université d’Exeter. « Nous n’avons pas encore la preuve définitive de l’impact de ces pesticides sur les abeilles et nous ne devrions prendre aucune décision concernant le changement de politique de leur utilisation », estime James Cresswell, l’un des principaux détracteurs des résultats de l’équipe coordonnée par Mickaël Henry (INRA). Ce que M. Cresswell ne dit pas, est que son laboratoire de recherche est en partie financé par Syngenta… Ah, mais où est donc passée l’objectivité scientifique… ? Nous espérons que Monsieur le Ministre en charge de l’Agriculture, Stéphane Le Foll, maintiendra l’interdiction de mise sur le marché du Cruiser OSR, utilisé pour l’enrobage des semences de colza.
Autre événement en date du 21 septembre, la proposition de la Commission européenne de modifier la directive européenne 2001/110/ CE relative au miel afin de clarifier le statut du pollen présent dans le miel et les conditions d’étiquetage. La Commission réaffirme, allant ainsi contre la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) que le pollen est un constituant naturel du miel et non un ingrédient. Ceci implique que les « règles de l’Union européenne en matière d’étiquetage qui exigent la présence d’une liste d’ingrédients ne s’appliqueraient pas ». Cependant, le miel contenant du pollen génétiquement modifié ne pourra être vendu que s’il a fait l’objet d’une autorisation de mise sur le marché. Si la présence de pollen génétiquement modifié est décelé avec un taux supérieur à 0,9% de la masse totale, l’étiquetage OGM sera obligatoire. Ce qui en pratique ne devrait pas arriver… Et ce, d’autant plus que la France a maintenu son moratoire anti-OGM. Si nos voisins européens en ont, nous, des OGM, on n’en veut pas !
L’étude du Pr Gilles-Eric Séralini, elle aussi publiée fin septembre, n’est d’ailleurs pas là pour nous rassurer… A grand renfort de photographies de tumeurs mammaires, les journaux titraient : les OGM sont des poisons ! Le pavé était lancé… L’éternel débat s’ouvrait et à chacun de critiquer le protocole, le choix du type de rat, la significativité des résultats … ou le coup médiatique avant la sortie du livre de M. Séralini : Tous cobayes ! OGM, pesticides, produits chimiques. Je ne veux pas être cobaye, personne ne le veut !
Certes, l’innocuité des OGM ne fait pas consensus, les scientifiques se répondent à coup d’études et de critiques, les géants de l’agrochimie et de l’agro-alimentaire sont sur les rangs, les agences d’évaluation des risques sont souvent au coeur de conflits d’intérêts et les politiques, dans tout ça, font comme ils peuvent…
Une chose est sûre : « nous avons plus besoin des abeilles que des OGM ! »
1 La feuille de route pour la transition écologique est un document ministériel disponible en ligne : http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Feuille_de_Route_pour_la_Transition_Ecologique.pdf
2 “Moins de pesticides c’est mieux pour vous, pour moi et pour l’environnement”. Une grande campagne de communication lancée depuis le 27 octobre dernier par le ministère en charge de l’Agriculture pour expliquer le Plan Ecophyto 2018.