Lettre ouverte au Ministère en charge de l’agriculture

Le 18 janvier dernier s’est réuni au Ministère de l’agriculture le Conseil stratégique pour l’apiculture1. Ce dernier² est censé prendre les grandes décisions et générer des actions politiques en faveur de l’apiculture, de suivre le Plan de développement durable de l’apiculture (PDDA)…
Alors, quel bilan ?
Une jolie plaquette de communication censée symboliser la réussite de la mise en oeuvre du PDDA !2

Plus sérieusement et en un seul point, sans doute que l’axe 6, comme rappelé dans le document, Mieux connaître et protéger l’apiculture française, un des points noirs puisque réalisé à moins de 50%, était un prérequis.
– Comment organiser une production, une filière quand on n’en connait pas (vraiment) les acteurs ?
– Comment protéger l’apiculture française sans prendre les mesures techniques et politiques qui permettraient, si ce n’est d’arrêter, au moins de tenter de diminuer la mortalité d’un cheptel apicole anesthésié aux pesticides à l’insu de leur plein gré…
– Comment connaître l’apiculture française quand on la méprise ? Quand, au lieu de reconnaitre – comme le (dé)montrent de nombreuses études scientifiques ou méta-analyses – que les pesticides jouent un rôle majeur dans les faiblesses du cheptel apicole français, vous dites que la raison des surmortalités réside dans la mauvaise formation des apiculteurs…
Une solution : la mise en place d’un Certi-Api garant de la qualité d’un enseignement digne de ce nom qui ne fera que s’ajouter à la liste des formations balbutiantes qui n’ont pas rencontré leur public, ni d’ailleurs trouvé de formateur, comme le BTS axé orientation apicole des Herbiers pour n’en citer qu’un…
Nous ne saurions vous rappeler que la France fut le 1er pays producteur en Europe sans d’autre formation, que les actuels grands pays producteurs comme l’Espagne, l’Argentine ou la Chine ne disposent pas de formation diplômante. Les apiculteurs d’aujourd’hui ne sont pas plus incompétents que ceux d’hier et cependant leur cheptel meurt, un cheptel avec une meilleure génétique, des apiculteurs avec un savoir de plus en plus technique… Donc, les miellées changent3 et certains apiculteurs ne vont plus sur les grandes cultures… D’où le Certi-Api, pendant du Certi- Phyto, mais avec quels formateurs ? Ils sont déjà si difficiles à trouver pour les BPREA… Les apiculteurs savent faire une analyse bénéfices–risques…

Alors, un plan pour l’apiculture rénové avec 4 axes dont :
• la formation
• la limitation de l’exposition des abeilles aux facteurs de risque influençant la santé des colonies
• l’organisation et l’accompagnement de la filière apicole
• la formation au métier de l’apiculture.

Nous ne saurions cacher notre déception, notre tristesse, quand, dès la sortie de cette réunion et votre conférence de presse4, nous savions que le deuxième point annoncé ne verrait pas le jour car :
1) « on ne peut pas demander aux agriculteurs de changer leurs méthodes de travail, ils n’ont pas d’autres alternatives. »
2) le dernier avis de l’ANSES est « inapplicable car trop contraignant pour les agriculteurs »
3) pour les traitements le soir, grande demande de toute la filière et ce, tous syndicats confondus, pour protéger leur cheptel, ce serait ajouter une trop grande contrainte sur les agriculteurs…

Oui, quand nous sommes sortis de cette réunion, nous savions que rien ne changerait et que cela annonçait le vote des sénateurs du 22 janvier qui ont refusé l’amendement porté par Chantal Jouanno5 sur les néonicotinoïdes…

Oui, il nous en faut à nous, apiculteurs, de la patience et de la ténacité pour travailler avec le Ministère en charge de l’agriculture…

1 Présidé par l’ancien sénateur Alain Fauconnier et installé le 1er octobre 2013, ce comité a été chargé de définir les enjeux et les objectifs de la filière et d’en préciser les axes de développement d’ici 2025. Il est en charge du suivi du Plan de développement durable de l’apiculture (PDDA). Liste des membres : les membres du comité apicole, les parlementaires, l’association des Régions de France, l’assemblée des départements de France, l’institut national de la recherche agronomique (INRA), l’assemblée permanente des chambres d’agriculture (APCA), une association de défense des consommateurs, une association de protection de la nature (FNE), les entreprises de distribution, les entreprises de semences, le ministère en charge de l’économie et des finances, le ministère en charge de l’écologie.
2 http://agriculture.gouv.fr/bilan-du-plan-de-developpement-durable-de-lapiculture-2013-2015
3 A titre d’exemple, en 2015, la récolte fut bonne pour les miels de forêt, châtaignier, bourdaine, sainfoin et bien moindre sur des miellées de tournesol ou colza qui assuraient autrefois une (très) grande partie de la production française… Aujourd’hui, une estimation « à la cuillère à miel », dirait que près de 80% de la récolte se fait sur fleurs « sauvages » et « 20 % » de la récolte sur grandes cultures.
4 http://agriculture.gouv.fr/stephane-le-foll-presente-un-nouveau-plan-de-developpement-durable-de-lapiculture
https://webtv.agriculture.gouv.fr/conference-de-presse-sur-le-plan-de-developpement-durable-de-loapiculture-video-5147.html
5 « La mise en culture de semences de céréales traitées avec des produits phytopharmaceutiques de la famille des néonicotinoïdes est interdite à compter du 1er septembre 2017. »