TAFFETAS, BUT NOT TAFTA

Ouf !  Soyez rassurés il ne s’agit pas d’un nouvel acarien ou d’un nouveau coléoptère venant des U.S.A., mais cela est tout aussi dangereux. Dans le Larousse, à taffetas, on trouve la définition suivante : genre de croisement ou d’armure, sans envers, employé pour certains tissus. Mutatis mutandis, à TAFTA on trouve : genre de traité employé par les U.S.A. pour envelopper, à l’envers et à l’endroit, les consommateurs et les producteurs européens.

TAFTA est donc un acronyme signifiant « Transatlantic Free Trade Area », ce qui se traduit en français par GMT (Grand Marché Transatlantique).

Depuis l’été 2013, ce projet de traité transatlantique entre l’Union Européenne et les U.S.A., cristallise les préoccupations et les craintes des européens par les risques qu’il fait peser notamment sur la sécurité alimentaire, la protection des indications géographiques, ou encore la protection juridique des Etats, donc des citoyens.

Pour la sécurité alimentaire, le risque concerne le respect des normes que l’Union Européenne a édictées pour protéger les consommateurs. Même si, comme l’écrit Bernd Lange, rapporteur de la commission du commerce international, « les valeurs fondamentales des deux parties, telles que le principe de précaution de l’Union Européenne, devront être respectées et défendues » et si les pourparlers devraient aboutir à la reconnaissance, pour les deux parties, du droit à gérer les risques conformément à la norme qu’elles jugent appropriée afin de protéger la vie et la santé de la population, des animaux et des végétaux, nous avons sujets d’être inquiets, notamment pour les produits toxiques. En effet, en janvier 2015, la proposition européenne de chapitre sur la « coopération réglementaire » installe officiellement le lobbying au coeur des processus européens d’élaboration des normes. Cela ouvre une voie royale aux multinationales pour affaiblir ou tuer les nouvelles réglementations avant leur passage devant les élus. Cela organise la paralysie réglementaire des deux côtés de l’Atlantique. Aujourd’hui, les lobbies sont capables d’empêcher l’interdiction des perturbateurs endocriniens. Qu’interdiront-ils lorsque le TAFTA aura renforcé leur influence ? Pour ce qui concerne les indications géographiques, le négociateur américain rejette totalement l’idée du renforcement de la protection des droits de propriété intellectuelle sur les indications géographiques européennes ainsi que leur reconnaissance, comme cela a été le cas dans le traité conclu avec le Canada. Or, il faut souligner que 21 milliards de dollars de production de fromage aux USA utilisent des noms d’origine européenne, et que pour les USA des mots comme « gouda » ou « brie » doivent rester clairement d’usage libre.

Concernant la protection juridique des Etats, une consultation publique a été organisée, durant l’été 2014, sur l’aspect le plus controversé des accords : le mécanisme permettant aux investisseurs étrangers d’attaquer les Etats devant une justice parallèle privée. Sur les 150 000 contributions reçues, vous n’avez été que 200 à défendre ce mécanisme. De quoi s’agit-il ? Nous sommes en présence d’un système appelé ISDS (Investor State Dispute Settlement) qui permet à une entreprise de déférer un Etat devant ce tribunal privé, au mépris des lois de cet Etat, et de le faire condamner si par exemple il refusait l’entrée de poulets lavés au chlore sur son territoire. Ce type de justice privée a déjà été utilisé en France contre le Crédit Lyonnais, mais avec l’ISDS il n’y aurait pas moyen de faire annuler ce pseudo-jugement. Bien entendu il ne vous aura pas échappé que les cabinets d’avocats d’affaires, les chambres de commerce et les multinationales font partie des 200 qui défendent ce futur système.

Si demain vous ne voulez pas qu’aux 65 000 tonnes de viande canadienne s’y ajoute l’entrée en Europe de 150 000 tonnes de boeuf américain, éventuellement engraissé aux farines animales. Si demain vous ne voulez pas qu’entre en Europe un produit baptisé miel contenant 30%, ou plus, de sirop de sucre, au motif que le seul mot « miel » doit rester clairement d’usage libre, restez vigilants et mobilisés contre le TAFTA.