POLLUEZ, il en restera toujours quelque chose !

Notre but n’est pas d’expliquer pourquoi la P.I.B. (Pollution Intérieure Brute) est un des éléments de croissance du P.I.B. (Produit Intérieur Brut), car expliquer, c’est déjà excuser ! En revanche, à la lecture de publications récentes sur la P.I.B., il est intéressant de se poser la question : sommes-nous, oui ou non, en guerre contre la pollution ? Ainsi, le Commissariat général au développement durable nous apprend que sur 2,2 millions de tonnes d’engrais épandues tous les ans, 1,5 million de tonnes seraient en surdose, donc non absorbées par les plantes. Or, ces 1,5 millions de tonnes sont bien entrées dans le P.I.B., comme les 700.000 tonnes utiles aux plantes. Mais sont-elles aussi entrées dans la P.I.B. ? Et bien oui, puisqu’on les a retrouvées dans les eaux de surface et qu’il en a coûté pas moins de 2,9 milliards d’euros pour dépolluer ces eaux de surface. Or cette activité économique de 2,9 milliards liée à la dépollution fait aussi partie du P.I.B.

Donc, dans l’exemple que nous fournit M. le Commissaire Général, la pollution intérieure brute contribue bien à l’accroissement du produit intérieur brute et il n’y a aucune raison de lui faire la guerre puisqu’elle génère des emplois en amont et en aval.

En est-il de même avec le rapport 2015 de l’Agence européenne pour l’environnement (AEE) sur la qualité de l’air en Europe ? Même si cela n’est pas aussi évident parce que l’AEE ne donne pas les montants financiers liés à la pollution de l’air, ni les montants nécessaires pour tenter de réparer ces dégâts, nous n’avons aucune raison d’en douter. En effet, ces dégâts n’ont rien à envier à une guerre classique ou même subversive, puisque l’Agence européenne nous annonce que la pollution de l’air continue de causer plus de 430 000 décès prématurés en Europe par an.

Elle raccourcit l’espérance de vie des personnes affectées et contribue à l’apparition de maladies graves, telles que des maladies cardiaques, des troubles respiratoires et des cancers. Le rapport montre que la plupart des citadins restent exposés à des niveaux de pollution atmosphérique jugés nocifs par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS).

Les principaux polluants ayant une incidence sur la santé humaine sont les particules ayant un diamètre maximal de 2,5 ??m (PM2,5), l’ozone troposphérique (O3) et le dioxyde d’azote (NO2). Les estimations de l’impact sur la santé d’une exposition chronique aux PM2,5, montrent que ce polluant a été responsable de 432 000 décès prématurés en Europe en 2012, chiffre semblable à celui des années précédentes. En revanche, les expositions au dioxyde d’azote ne sont jugées responsables que d’environ 75000 décès, tandis que l’ozone abrégerait la vie de 17000 personnes.

Pour Hans Bruyninckx, directeur exécutif de l’Agence européenne, cela n’affecte pas que la santé générale des européens, « la pollution de l’air a aussi une incidence économique considérable. Elle est à l’origine d’un accroissement des coûts médicaux et d’une réduction de la productivité liée à la perte de jours de travail dans tous les secteurs ». Mai surtout, les polluants atmosphériques ont aussi des effets néfastes importants sur la vie végétale et les écosystèmes. Ces problèmes, y compris l’eutrophisation causée par l’ammoniac (NH3) et les oxydes d’azote (NOx), ainsi que les dommages aux plantes causés par l’ozone, restent très répandus en Europe.

Les conclusions du rapport confirment que les particules peuvent provoquer ou aggraver des maladies cardiovasculaires et pulmonaires, des infarctus et des arythmies. Elles peuvent aussi provoquer des cancers. En 2013, 87 % de la population urbaine de l’Union européenne était exposée à des concentrations de PM2,5 dépassant la valeur fixée par l’OMS pour protéger la santé humaine. Heureusement, si l’on prend les normes européennes en matière de qualité de l’air à la place de celles de l’OMS, il n’y a plus que 9 % de la population qui était exposée à ces particules ! Mais rassurez-vous, changer les normes ne fait pas disparaître la pollution et ne fait pas diminuer le nombre de morts. Ainsi en respectant les normes de l’OMS et en diminuant les concentrations moyennes de PM2,5, nous réduirions de 144 000 le nombre de décès prématurés par an en Europe. Mais est-ce vraiment utile pour le P.I.B. ?

Pour ce qui concerne l’ozone, en 2013, 98 % de la population urbaine européenne était exposée à des concentrations dépassant la valeur de la directive de l’O.M.S. Là encore, ce chiffre tombe à 15 % si l’on prend les normes européennes et n’essayez pas d’expliquer pourquoi de telles variations, ce serait déjà excuser la manipulation des normes. Il n’empêche que ces concentrations d’ozone ont aussi des conséquences néfastes sur les cultures, les forêts et les végétaux, dont elles diminuent le taux de croissance et le rendement.

Le dioxyde d’azote en revanche affecte directement le système respiratoire et contribue à la formation de particules et d’ozone. En 2013, 9 % de la population urbaine européenne était exposée à des concentrations dépassant les normes de l’OMS. C’est à proximité des routes que 93 % des dépassements ont eu lieu.

N’oublions pas le benzopyrène, polluant organique carcinogène, généralement causé par la combustion de bois. L’exposition au benzopyrène est très répandue en Europe centrale et orientale. En 2013, 91 % de la population urbaine était exposée à des concentrations dépassant le niveau de référence fixé par l’OMS. Ce chiffre tombe, comme il se doit, à 25 % si l’on prend les normes européennes !

Seule embellie constatée, les émissions de dioxyde de soufre (SO2) ont considérablement diminué au cours des dernières décennies, grâce à la législation européenne exigeant une plus faible teneur en soufre dans les carburants ainsi que grâce à l’utilisation de technologies d’épuration des émissions : donc yes we can !

En conclusion, tant que la Pollution Intérieure Brute fera partie intégrante du Produit Intérieur Brut par la création d’emplois, la recherche de nouveaux médicaments et la suppression des retraites aux morts prématurés, il n’y aura pas lieu de lever l’état d’urgence dans la guerre à la pollution, si nous voulons assurer la sécurité et la santé des européens.