983

Entre Evidence et Vérité

Une étude intéressante a montré que des équipes de recherche du C.N.R.S., de l’Inra et de l’Université de Clermont-Ferrand se sont associées pour évaluer l’effet du cocktail parasite et insecticide sur les abeilles. Le résultat est connu : les abeilles contaminées par un champignon microscopique (en l’occurrence Nosema ceranae) succombent à une exposition minime aux insecticides à des doses plus de cent fois inférieures au seuil entraînant la mort. Un élément de plus qui s’ajoute à notre dossier contre les insecticides dans les surmortalités d’abeilles. Dans ce contexte et alors que nous venions de connaître cette dernière scientifique, certains nous ont accusés de ne pas avoir été assez réactifs dans le dossier Cruiser.
Force est de constater que ni les communiqués de presse, ni les prises de position ici et là, pas même l’action en référé, dont on sait qu’elle était partie dans la mauvaise direction suite à une modification récente de la législation n’auraient pu faire revenir le Ministre sur sa décision. A y regarder de plus près, le dossier était parfaitement bétonné.
Ce n’est pas pour autant que nous sommes restés, contrairement à ce que certains veulent bien dire, les bras croisés. Bien au contraire. Notre recours a été formalisé dans les délais. Les ministres de l’agriculture et de l’environnement ont été saisis du problème. Un certain nombre de députés nous ont même contactés depuis.
A l’issue de toutes ces démarches accompagnées de celles de vos administrateurs et présidents départementaux qui ont ici et là tiré les sonnettes à leur disposition, nous aurons fin septembre un entretien que nous espérons constructif au Ministère de l’Environnement, nous aurons dans les locaux de l’Assemblée Nationale, la prise en charge du dossier par un collectif de députés, nous aurons, après avoir eu connaissance de la quantité approximative en pourcentages des emblavements en colza Cruiser, la mise en place d’un réseau interne de surveillance. Certes, il ne viendra pas en concurrence avec ceux plus officiels sur lesquels le Ministère s’appuie, mais il aura le mérite d’être en prise directe avec les gens du terrain. A ce jour, on estime que 10 % des cultures de colza sont emblavées avec le nouveau produit, sans compter les apports des pays de la communauté dont les frontières sont communes aux nôtres. Au niveau européen, la Coordination apicole s’inquiète également, mais en élargissant le problème à d’autres pesticides, mais surtout aux méthodes suivant lesquelles ils peuvent bénéficier d’une AMM. Il y a bien longtemps que nous dénonçons toutes les procédures d’homologation des pesticides. Il y a bien longtemps que nous apportons des arguments simples tombant sous le sens et que l’on feint d’ignorer. Mais la publicité pour tous ces produits dans la presse spécialisée, publicité que le Ministère de l’Environnement avait renoncé à interdire lors du vote du Grenelle 2, a fait ses effets. Toutes les incitations verbales, les constats, les observations rapportées sont littéralement laminés par le rouleau compresseur marketing de Monsento et autres. D’ailleurs, lorsque vous questionnez les jardiniers du dimanche, ils sont en France 10 millions, ceux-ci jugent tous ces produits tout à fait inoffensifs. Ils n’y voient qu’un moyen pour exterminer les mauvaises herbes et autres pucerons. Mais ce sont en fait près de 5000 tonnes de substances chimiques qui sont déversées chaque année dans les jardins. Une quantité non négligeable par rapport aux 65000 tonnes épandues au total en France, premier pays utilisateur européen de molécules phytosanitaires avec les conséquences connues sur les nappes phréatiques. Depuis mars, le Ministère de l’Ecologie a relancé une campagne de sensibilisation sur le risque toxique de toutes ces substances. Il serait peut-être indiqué maintenant de joindre le geste à la parole et de prendre en compte les légitimes revendications des apiculteurs. Ils sont là bien sûr pour leurs abeilles mais aussi pour toute la faune auxiliaire dont personne ou presque ne se soucie. N’oublions pas non plus le Gaucho et le Regent pour lesquels une procédure est toujours en cours depuis des années.
Tout ceci a un coût et obère singulièrement les finances des structures nationales qui en auraient bien besoin pour d’autres projets. Les prochains mois seront riches d’événements, de propositions et de promesses de toutes sortes. C’est sans conteste le moment de faire avancer nos dossiers avec bien sûr le concours de tous nos apiculteurs, de tous nos lecteurs, de tous nos sympathisants, chacun avec les moyens et les relations dont il dispose.
Aujourd’hui, l’implication de certaines municipalités est forte sur notre projet « l’Abeille partenaire de la biodiversité », l’implication de grands groupes comme France Telecom est également importante.
Puissent toutes ces forces conjuguées conduire le législateur à prendre en compte les avis éclairés de ceux qui sont au quotidien confrontés aux conséquences de toutes ces utilisations que parfois rien ne justifie.