Communiqué du 28 octobre 2020 du SYNDICAT NATIONAL D’APICULTURE et de TERRE D’ABEILLES

Effroyable ! Les abeilles et autres pollinisateurs survivants des poisons autorisés en agriculture dite « conventionnelle » (pour tenter de rassurer les consommateurs qui n’en veulent plus) sont une nouvelle fois condamnés par la loi des hommes.

Après trois tentatives successives avortées des précédents ministres de l’agriculture de ce quinquennat, l’alibi du puceron sur la betterave et des arguments économiques fallacieux relatifs à la filière betteravière ont permis de réintroduire les néonicotinoïdes, qui représentent un tiers du marché mondial des insecticides.

Sans surprise (hélas !) et comme les députés précédemment, le Sénat s’est prononcé hier à une large majorité favorable au retour de ces poisons ultra-toxiques, systémiques, dont ils connaissent pourtant les effets délétères sur les insectes non cibles et sur notre santé, leur capacité à contaminer l’eau, les sols, l’air et notre alimentation.
Le vote des parlementaires français annule l’interdiction des néonicotinoïdes adoptée en 2016 (loi Biodiversité), puis en 2018 (loi EGALIM) : un recul environnemental et sanitaire majeur, délibéré, irresponsable, un terrible signal aussi vis-à-vis des autres états membres de l’Europe et de tous les pays favorables à l’agrochimie…

« S’appuyer sur la science » en cette période de crise sanitaire
Le gouvernement prétend vouloir « s’appuyer sur la science » en cette période inédite de crise sanitaire ? Mais en réintroduisant les néonicotinoïdes, il affiche son mépris vis-à-vis de plus de 1200 études scientifiques (françaises, notamment) qui ont conduit à leur interdiction !
Il méprise également le travail des experts qui alertent sur les risques de multiplication des pandémies telles que Covid-19, liées aux bouleversements des équilibres naturels.
Le gouvernement dit aussi « s’appuyer sur l’Anses » pour prendre ses décisions. Mais l’Anses a montré qu’il n’existait pas d’impasse technique aux néonicotinoïdes pour la betterave. Restait à mettre en oeuvre cet accompagnement nécessaire des agriculteurs à la transition écologique, conclue lors des Etats généraux de l’alimentation !

« Défendre la souveraineté alimentaire »
Le gouvernement prétend encore vouloir « défendre notre souveraineté alimentaire» ? Mais en réintroduisant les néonicotinoïdes, il autorise la dernière phase d’extermination des pollinisateurs dont dépend, depuis la nuit des temps, la ressource alimentaire de l’humanité ! Un service écosystémique irremplaçable…
Et c’est pour satisfaire aussi les producteurs d’agro-carburant issu de la betterave qu’il autorise la poursuite de l’empoisonnement de notre environnement au mépris de la protection de la santé publique !

Annoncer « la fin d’une filière » pour justifier l’injustifiable
Plus qu’alarmistes, certaines données économiques relatives à la filière betteravière présentées par le ministre de l’Agriculture pour justifier la réintroduction des néonicotinoïdes ont porté leurs fruits. Rétablir la vérité sur ce secteur qui, notamment, exporte près de la moitié de sa production de sucre était nécessaire (ce que nous avons fait avec plusieurs dizaines d’autres organisations). Il est regrettable que ce rétablissement de la vérité n’ait pas suffi à influencer le vote des parlementaires.

« Combattre l’agribashing » et négliger les attentes des consommateurs
Le gouvernement s’insurge contre l’« agribashing », s’appuyant même sur la gendarmerie pour dissuader les défenseurs de l’environnement d’exprimer leur opposition à la dictature agrochimique. Mais en réintroduisant les néonicotinoïdes tueurs d’abeilles, il ne fait qu’alimenter cette opposition. Car la société civile est consciente de la nécessité de protéger les insectes pollinisateurs et les consommateurs sont de plus en plus nombreux à se préoccuper des effets des pesticides sur leur santé – d’où l’augmentation constante de la demande en produits bio. Le puceron de la betterave s’avère la nouvelle occasion manquée de réconcilier agriculture et environnement.

Ne tirer aucune leçon du désastre subi par les apiculteurs ?
Victimes depuis 1995 des préjudices des néonicotinoïdes (sans avoir jamais été indemnisés), lanceurs d’alerte sur les défaillances du processus d’évaluation et d’autorisation des pesticides, les apiculteurs français n’ont même pas été reçus par le ministre de l’Agriculture ! C’est une grave erreur. Instigateurs d’un combat d’utilité publique, ils ont obtenu l’annulation d’autorisation de plusieurs néonicotinoïdes en 2004, 2005, 2012… et ils ne sont plus seuls, aujourd’hui, à défendre la cause des insectes pollinisateurs. Plusieurs dizaines d’organisations sont à nos côtés pour dénoncer cette loi intolérable, des scientifiques, aussi, et des élus…

Nous n’en resterons pas là ! Nous continuerons à défendre les abeilles, l’environnement, la santé publique dans le respect aussi des générations à venir. Et nous invitons tous les Français à se soulever contre la destruction délibérée du vivant.

Frank ALÉTRU
Président
SYNDICAT NATIONAL D’APICULTURE
Président
ASSOCIATION DES APICULTEURS PROFESSIONNELS EUROPÉENS (EPBA)
Béatrice ROBROLLE
Présidente / Fondatrice
TERRE D’ABEILLES

 

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