ÉDITORIAL DE Frank ALÉTRU, Président du Syndicat National d’Apiculture
Plus d’écologie pour moins de pandémies
Mes premiers mots sont d’exprimer la pensée émue que nous avons tous envers ceux qui ont perdu des proches, emportés par la vague mortelle de la pandémie du coronavirus.
Cette épidémie démontre la fragilité de l’espèce humaine. Ce n’est pas la première, mais aucune des précédentes n’avait à ce point déstabilisé et fragilisé la vie humaine au niveau mondial. Notre société devra en tirer les leçons. Nous ne vivrons plus jamais comme
“avant le coronavirus”. Il y aura un après.
La question qui nous vient immédiatement à l’esprit est : “Pourquoi cette succession de pandémies (VIH, EBOLA, ZIKA, SARS-Cov, et aujourd’hui Covid-19), de plus en plus rapprochées ?” Ces virus pathogènes ne proviennent pas directement de l’homme, mais c’est bien la croissance de l’activité humaine, son emprise non maîtrisée qui semble sans limite sur les différents milieux naturels, l’augmentation des déplacements des populations qu’elles se fassent par la terre, la mer ou les airs, et la surpopulation dans certaines zones du globe qui nous les amènent et en sont responsables. Nos politiques n’ont plus le choix, ils doivent impérativement prendre en compte l’écologie dans les programmes de développement.
La moitié des agents infectieux des dernières grandes pandémies proviennent d’animaux sauvages, non pas qu’ils en soient tous malades car ils vivent avec eux sans dommage. Oui, la responsabilité, la faute principale en revient à l’homme qui, en raison de son expansion invasive non contrôlée sur les milieux naturels (réduction des habitats, déforestation, industrialisation, urbanisation), engendre un rapprochement animal/homme facilitant les voies d’accès aux agents pathogènes vers l’espèce humaine chez qui ils peuvent devenir mortels.
Ces ennemis, invisibles à l’oeil nu, incolores, inodores et sans saveur, ont franchi la barrière des espèces. Ils étaient prévisibles, mais l’homme ne s’y était pas préparé. Pire, certains pays les défiaient comme les États-Unis qui annonçaient en février dernier vouloir réduire de moitié sa participation au fonds de l’Organisation Mondiale de la Santé.
Cette pandémie nous amène à devoir vivre un confinement inédit, inimaginable sur une telle durée, et avec des conséquences économiques et sociales qui laisseront des séquelles très profondes.
Notre activité apicole bénéficie d’une souplesse légitime et logique pour nous permettre de suivre nos colonies et travailler dans nos ruchers.
Cet aménagement a été obtenu grâce à la réaction immédiate, au travail collectif et au dynamisme du secrétariat de notre interprofession InterApi auprès des services (Dgal) du ministère de l’Agriculture. La note technique rédigée par le ministère a permis à tous les apiculteurs quelque soit leur nombre de ruches de pouvoir intervenir dans leurs ruchers.
Autre beau résultat d’un engagement collectif en cette période où simplement vouloir faire son travail devient compliqué, voire impossible pour certains : bien que de nombreuses revues ne seront pas acheminées, nous avons relevé le défi que nos abonnés puissent recevoir leur revue l’Abeille de France “espace de liberté et d’ouverture” dans ce contexte difficile. Grâce à la détermination de toutes les équipes, des rédacteurs, des graphistes, des chasseurs d’images, des annonceurs, de tous les techniciens de notre imprimeur sans oublier le service de routage, cette revue vous est parvenue avec un délai de distribution rallongé.
Par solidarité, nous mettrons ce numéro en accès libre sur Internet à partir de notre site www.labeilledefrance.com. Faites-en profiter vos collègues et vos amis.
Au moment où j’écris ces lignes, nous apprenons avec tristesse et émotion la disparition de notre excellent collègue “Jean FEDON”.
Jean aura marqué de son dynamisme, de sa volonté d’innovation et de progrès dans la connaissance, toute une génération d’apiculteurs qui ne l’oubliera jamais.
En cette période intensive de travail au rucher, Jean n’aurait pas économisé ses conseils. Le moment est décisif pour la suite de la saison, ne le loupons pas malgré le contexte un peu plus compliqué.
Les floraisons sont là et abondantes, ainsi que de belles colonies d’abeilles dans les ruchers qui n’attendent plus que le déclenchement de la miellée, pour rentrer de belles récoltes.
Souhaitons aussi que la réouverture des marchés alimentaires puisse au plus vite se mettre en place dans le respect des conditions de protection sanitaire pour les vendeurs et les clients, afin que les conséquences économiques soient les plus limitées possibles pour
notre filière.
Aujourd’hui, nous vivons un confinement imposé. Faisons tout pour ne pas le “subir” et, au contraire, profitons de cette “retraite” pour analyser en détail cette situation, pour en tirer les leçons et imaginer les solutions de demain afin de pousser les politiques à corriger leurs
feuilles de route en vue de sauvegarder notre belle planète qui, elle, profite de ce répit pour “respirer”. À Pékin, le ciel est redevenu bleu !