Edito de Frank ALÉTRU, Président du Syndicat National d’Apiculture
et Vice-président de l’Association des Apiculteurs professionnels européens (EPBA)

L’apiculture respire de ses deux poumons

En France, les dizaines de milliers d’apiculteurs, familiaux, petits producteurs ou pluriactifs, ces femmes et ces hommes qui possèdent quelques ruches par passion, tradition, complément de revenus ou par conviction écologique assurent près de 45 % de l’ensemble des 1,7 million de ruches. À leurs côtés, moins de 3 000 professionnels en exploitent les 55% restants. Cette cohabitation n’est pas une anomalie, ni un déséquilibre à corriger. Elle est au contraire la richesse d’un système en équilibre fragile, mais complémentaire, où chaque ruche et chaque individu comptent.
Pourtant, certaines voix chez les apiculteurs professionnels réclament la disparition pure et simple de ces petits producteurs sur le marché du miel, les accusant d’être une concurrence déloyale, oubliant trop vite une donnée fondamentale : la production française ne couvre que la moitié des besoins du pays. Sur 45 000 tonnes de miel consommées chaque année, en moyenne seules 22 000 sont produites sur notre territoire. Le reste est importé, souvent à bas coût, parfois de qualité douteuse. La vraie concurrence est là, pas dans le rucher du voisin.

Ce clivage artificiel menacerait toute la filière. Les petits producteurs ne sont pas les adversaires des professionnels. Ils sont leurs alliés naturels. Ensemble, ils forment les deux poumons d’une apiculture nationale qui respire encore, mais qui pourrait bien s’asphyxier si l’on continuait à opposer ces deux catégories. Il faut aussi considérer le rôle crucial des petits apiculteurs dans le maintien d’un écosystème économique et scientifique. Si 45 % des ruches venaient à disparaître – ce qui arriverait avec la suppression des producteurs familiaux – les laboratoires vétérinaires cesseraient tout investissement dans la recherche de traitements apicoles, jugée non rentable. Et l’apiculture se retrouverait sans médicaments pour protéger ses colonies contre le varroa.
Ce serait une catastrophe sanitaire, mais aussi une perte dans la lutte collective menée par le monde apicole contre les pesticides tueurs d’abeilles. Qui, lors des grandes manifestations et mobilisations, forme la masse critique ? Ce sont les petits producteurs. Ce sont eux qui remplissent les rues, pancartes à la main, qui écrivent massivement aux députés. Sans eux, les 3 000 professionnels resteraient isolés, sans poids suffisant face aux puissants lobbies agrochimiques. L’actualité du combat pour s’opposer à la proposition de loi Duplomb en est un exemple criant dans lequel les deux syndicats apicoles majoritaires SNA et UNAF font un travail remarquable auprès des parlementaires (lire en page « Actualités »).

Aujourd’hui, avec une interprofession résiduelle, inefficace et absente de tous les combats essentiels, l’apiculture ne peut pas se permettre le luxe de la division. Elle doit faire bloc, en se rappelant que ses forces résident dans sa diversité. Chaque récolte, chaque ruche, chaque voix compte. C’est ensemble que nous avons mené les combats d’hier contre les premiers néonicotinoïdes, il y a déjà presque 30 ans. C’est ensemble que nous devons affronter les défis de demain, restaurer une image positive du miel auprès des consommateurs, valoriser les miels de France, et oeuvrer pour la protection de nos abeilles et des pollinisateurs pour une apiculture rentable et durable.
Il ne faut pas céder à la tentation du repli, ni au mirage d’une professionnalisation exclusive. L’apiculture française, si elle veut continuer à butiner, produire et se battre, doit respirer avec ses deux poumons. Et pour cela, il est urgent de remercier ceux qui, parfois dans l’ombre, entretiennent et animent la vie syndicale et associative apicole dans nos départements, et ceux aussi qui assurent en toute discrétion la formation de milliers de nouveaux apiculteurs dans les ruchers-écoles pour assurer la relève.

La constitution du fonds de la collection muséographique de la future Maison Nationale de l’Apiculture et des Pollinisateurs s’étoffe plus rapidement que prévu grâce aux nombreuses donations. Après celle de nos amis picards de l’USAP, tout récemment, nous avons reçu celle du syndicat des apiculteurs du Loir-et-Cher que nous remercions chaleureusement.

Les conditions climatiques de ce printemps sont des plus capricieuses et hétérogènes dans l’hexagone, donnant des satisfactions aux uns et des déceptions aux autres, mais nous allons vers un bilan de récolte de printemps bien meilleur que celui de l’an dernier.

Et malgré l’importance des travaux apicoles, nos webinaires animés en partenariat avec Jean Riondet et Damien Merit, accessibles à ceux qui ont souscrit à l’une de nos formules pack, auprès de leur syndicat ou directement auprès de la revue, rencontrent un succès constant et croissant. Un nouveau rendez-vous aura lieu à la fin du mois avec pour thème l’importance du nourrissement.
Quant aux passionnés chasseurs d’images, nous attendons vos meilleurs clichés dans le cadre de notre concours photo.

 


SOMMAIRE

3 Édito
L’apiculture respire de ses deux poumons

6 Actualités
Des drones pulvérisateurs dans le ciel de France
Sur le front du combat contre la proposition de loi Duplomb

8 La rubrique du néophyte
Mai : le mois de l’essaimage

12 Réponses aux lecteurs

16 Technique apicole
Protection des cellules royales pour une meilleure acceptation, et comment compenser la fragilité des cellules royales

19 Élevage de reines
Rencontre avec Frank Alétru, producteur d’essaims et éleveur de reines en Vendée

22 Sanitaire
Présentation d’une méthode biotechnique pour limiter l’infestation des varroas tout en profitant des miellées tardives

25 Formation continue
Programme des formations webinaires

26 Société Centrale d’Apiculture
La Prévention de l’essaimage
Rendez-vous aux ruchers !

32 Histoire de la recherche apicole
Comment François Huber « voyait » le monde des abeilles

35 Apithérapie
Propolis brune de peuplier et maladie cœliaque : une aide naturelle prometteuse ?

38 Ressources alimentaires
Nos abeilles butinent aussi les fruits !

39 Biodiversité
L’hôtel à insectes : un havre pour les pollinisateurs en détresse

41 Api-foresterie
L’heptacodion de Chine

44 Planète miel
Contrôle et traçabilité des produits de la ruche par la palynologie – 47
Miels polyflfloraux forestiers

46 Concours photo
1er Concours national de photographie de L’Abeille de France

48 Recettes au miel
Filet mignon de porc sauce miel-moutarde
Brioche perdue à la ricotta et aux fruits rouges

50 Vie des structures apicoles

54 Librairie

57 Petites annonces

61 Abonnement & formules pack

62 Infos pratiques