La récolte du pollen
La majorité des pollens récoltés par l’abeille mesure globalement entre 20 et 50 ?m en diamètre. Le corps des abeilles est couvert de poils qui retiennent d’importantes quantités de pollen, même lorsque l’insecte butine du nectar (figure 4).pollen4
La récolte passive du pollen peut être renforcée par des phénomènes électrostatiques lorsque les poils et les grains de pollen présentent des charges électriques opposées. La récolte active du pollen repose sur des comportements et des équipements morphologiques (mandibules, brosses, corbeilles, etc.) dédiés à la tâche. pollen5La figure 5 représente une corbeille à pollen de la patte postérieure d’une ouvrière. On y distingue aussi le peigne tibial. L’abeille est effectivement dotée de structures anatomiques qui lui permettent de récupérer les grains de pollen accumulés sur son corps pour les regrouper dans les corbeilles sous la forme d’agglomérats humides (figure 6). pollen6Curieusement c’est principalement en vol que l’abeille, pragmatique et efficace, récupère les pollens qui adhèrent à ses poils pour confectionner des pelotes. On a aussi observé que des butineuses spécialisées dans la récolte de nectar, abondamment couvertes de pollen de tournesol par exemple, ne le rassemblent pas dans les corbeilles, mais s’en débarrassent par un toilettage assidu. D’ailleurs, les abeilles qui recherchent spécifiquement du nectar apprennent vite à optimiser la récolte par l’évitement des organes de reproduction de la fleur 9.Seule une partie de la flore environnante est à l’origine de la majorité du pollen récolté par l’abeille. On compte en moyenne une demi-douzaine de sources botaniques différentes par ruche 8. Dans la pelote de pollen de la figure 7 pollen7on ne dénombre pas moins de cinq sortes d’espèces végétales. La taille des grains varie de 20 à 60 µm les exines présentent des ornementations très différentes, allant du lisse au réticulé en passant par le scabre et le strié. L’abeille agglutine les grains de pollen avec du nectar régurgité pour le compacter dans les corbeilles des pattes postérieures. pollen8La figure 8 (micrographie de microscopie électronique à balayage) montre une patte postérieure d’ouvrière, vue par sa face interne. On note la proéminence de la pelote de pollen majoritairement monofloral. pollen9La figure 9 donne une idée des dimensions d’une pelote de pollen (bleu, probablement de phacélie). Avons-nous déjà songé au nombre de grains de pollen que ramasse et transporte une abeille? Considérons une pelote de pollen moyenne d’un diamètre de 2,5 mm, composée de grains de pollen d’un diamètre moyen de 35 µm, Si l’on assimile les grains de pollen à des sphères de tailles égales, et si l’on suppose que les grains sont jointifs dans la pelote, la compacité maximale vaut 74 % (correspondant à un empilement hexagonal compact ou cubique à faces centrées) du volume de la pelote récoltée par l’hyménoptère, Ainsi, le volume effectivement occupé par les grains de pollen vaut [43 x ? x 1,253] x 0,74 = 6,054 mm3. Une telle pelote de pollen serait donc constituée de (rapport du volume de la matière pollinique au volume d’un grain de pollen) 6,054 x 1094 x ? x 17,533 = 6,054 x 1092,245 x 104 = 2,697 x 105 grains de pollen. Par conséquent, chaque abeille chargée de deux pelotes de dimension moyenne livrent plus d’un demi-million de grains de pollen à la ruche… En sachant que si l’on rapporte la taille d’un grain de pollen moyen à l’échelle humaine, il correspondrait, grosso modo, au volume d’une tête d’épingle! Le pollen récolté sous la forme de pelotes est emmagasiné dans les alvéoles qui entourent l’aire de ponte, Un certain nombre de grains de pollen de petite taille se retrouvent naturellement délayés dans le nectar récolté par l’abeille; alors que les plus gros pollens, restés accrochés dans le système tégumentaire de l’insecte, peuvent tomber dans le miel stocké dans les rayons de cire. La mélissopalynologie étudie les pollens présents dans le miel et fournit des indications sur l’origine botanique.
La transformation du pollen
Le pollen récolté sur une fleur subit, immédiatement après son prélèvement, une cascade de modifications microbiologiques et biochimiques; un processus attribue principalement à une fermentation lactique des sucres ajoutés (nectar). Au moment du conditionnement du pollen dans les corbeilles, la pelote est enrichie avec des enzymes salivaires et ensemencée avec des microbes provenant du nectar et du jabot. En effet, le jabot est le siège d’une flore bactérienne lactique complexe 10. Dans la ruche, les pelotes de pollen sont déposées dans des alvéoles où des abeilles magasinières les tassent. Si l’on suppose que le mode d’empilement des grains de pollen emmagasinés par l’abeille conduit, là aussi, à une compacité maximale, on peut calculer qu’une seule cellule de stockage en cire, d’un diamètre de 5,3 mm, remplie de pollen [pain d’abeille] sur une hauteur de 10 mm contient ? x 2,652 x 10 x 1092,245 x 104 x 0,74 = 7,272 x 106, soit environ 7 millions de grains de pollen! Les différentes étapes mises en œuvre pour stocker le pollen dans les alvéoles de cire (figure 10) pollen10conduisent à une augmentation de la concentration en sucres, à un milieu anaérobie favorable à une fermentation lactique et à un abaissement du pH (acidification). Le nectar régurgité que l’abeille ajoute au pollen contient des microorganismes de la flore bactérienne du jabot de l’hyménoptère, En anaérobie, les bactéries lactiques prolifèrent et convertissent les sucres fermentescibles en acide lactique (lacto-fermentation). Cette acidification du milieu inhibe le développement des microbes responsables des putréfactions. La production par des microorganismes de diverses enzymes, vitamines, substances antimicrobiennes et acides organiques contribue à la conversion du pollen en pain d’abeille, puis à sa conservation10. La présence dans le pain d’abeille de cette flore bactérienne avec ses substances antimicrobiennes joue probablement un rôle dans la défense contre les pathologies apiaires puisque le pain d’abeille est consommé par les larves et les jeunes abeilles adultes 11. Il faut compter une dizaine de jours pour transformer le pollen récolté en pain d’abeille assimilable par l’insecte 8. pollen11La figure 11 correspond à la coupe longitudinale d’une alvéole remplie de pain d’abeille qui apparaît tassé et stratifié. Le pain d’abeille stocké dans la ruche devient la seule source de protéines, lipides, minéraux et vitamines pour l’avette 10.