L’utilisation du pollen
Les abeilles ont besoin du pollen pour leur reproduction, notamment pour nourrir les larves 9. Durant les premiers jours de leur vie, les ouvrières consomment du pain d’abeille pour achever la maturation des glandes hypopharyngiennes et mandibulaires qui sécrèteront presque toutes les protéines nécessaires au développement des larves. Les jeunes mâles aussi doivent consommer beaucoup de pollen pour atteindre la maturité sexuelle et une fertilité satisfaisante 8. Le pollen récolté par les abeilles est additionné de sécrétions inhibant la germination et stocké pendant quelque temps dans des alvéoles où il subira des modifications biochimiques d’origine microbiennes. Cette transformation améliore la digestibilité et la valeur nutritive du pollen pour les abeilles. Le pollen récolté par l’abeille subit une hydratation [par le nectar et les sécrétions glandulaires] qui fait gonfler les grains. pollen12La figure 12 est un agrandissement (microscope électronique à balayage) de la figure 11 et montre que les grains de pollen du pain d’abeille apparaissent gonflés. Par exemple, la phase aqueuse passe de 13,1 % pour le pollen frais à 18,8 % pour le pollen de trappe et enfin à 21 % pour le pollen stocké dans le cas de l’Aloe greatheadii. Bien que le grain de pollen soit protégé par sa paroi, tout changement d’osmolarité dans le milieu extracellulaire entraîne une augmentation de la pression hydrostatique dans le compartiment hypertonique. Ainsi, lorsque les grains de pollen sont immergés dans une solution hypotonique (concentration en eau élevée), il apparaît une pression de turgescence qui conduit au gonflement de l’intine au niveau des ouvertures de germination, où l’exine fait défaut. Par ailleurs, le taux de protéines du pollen diminue après la récolte et encore davantage lors du stockage. Il en est de même pour la concentration en lipides qui est plus faible dans le pollen récolté par rapport au pollen frais 2. L’exine résiste à la dégradation environnementale et à la digestion, Mais elle est généralement perforée par une ou plusieurs ouvertures de germination qui exposent l’intine. Trois procédés majeurs sont avancés pour expliquer l’extraction du contenu pollinique par l’animal: 1) la germination du grain; 2) l’éclatement de la paroi pollinique à l’aide d’un choc osmotique; 3) l’action des enzymes digestives. Il semble que l’abeille soit capable de digérer l’amidon pollinique uniquement lorsqu’il a été libéré du grain de pollen pendant le processus de digestion. On sait aussi que l’apport alimentaire en stérols végétaux est essentiel pour le développement de l’insecte, Il intervient spécialement chez la larve de l’hyménoptère, dans la synthèse de l’hormone de mues.
L’importance du pollen
L’abeille est un insecte phytophage, Les butineuses consomment presque exclusivement du nectar et du miel pour répondre à la demande métabolique inhérente au vol 10, l’essentiel du pollen et du nectar récolté par l’hyménoptère est destiné à une stratégie de survie de la colonie. Les abeilles nourrices consomment beaucoup de pollen durant les périodes d’élevage. Elles transforment le pain d’abeille consommé en sécrétions glandulaires nécessaires à l’alimentation des jeunes larves 8. La disponibilité des ressources dépend des saisons. Elle est riche et variée au printemps puis décroit progressivement alors que le nombre d’insectes augmente 1 À la fin de l’hiver, les apports polliniques sont généralement assurés par la floraison des saules [Salix spp.] ; alors qu’en fin de saison apicole, le lierre [Hedera helix] fournit du pollen pour l’hivernage. Il a été avancé que l’abeille qui a le choix se tournerait préférentiellement vers des pollens riches en lipides 2. Régime hypocalorique? Connaît pas! Cette affinité pour les pollens riches en corps gras pourrait s’expliquer par le fait que le manteau pollinique, à teneur lipidique élevée, contient des substances odorantes et constitue un revêtement collant. Par conséquent, plus un manteau pollinique est consistant, plus il peut se révéler olfactivement attractif, et plus il sera gluant pour se fixer sur le corps de la butineuse et, bien entendu plus le taux lipidique du pollen concerné sera élevé, c.q.f.d. Bien que la concentration protéique ne définit pas, à elle seule, la qualité d’un pollen, elle influence néanmoins fortement les performances de l’abeille qui le consomme 5, Les protéines consommées déterminent la taille et la longévité de l’insecte. L’ingestion de protéines améliore également le développement des glandes hypopharingiennes des ouvrières nourrices 5. On a remarqué que la consommation de pollen augmente lorsque sa teneur en protéines baisse. En outre, il est connu que les abeilles récoltent communément le pollen de pissenlit [Taraxacum spp.], qui ne fournit pas les aminoacides essentiels tryptophane et phénylalanine et présente une déficience en arginine. Or, de jeunes abeilles nourries exclusivement avec du pollen de pissenlit ne parviennent pas à élever du couvain. De plus, la longévité de ces abeilles se trouve diminuée 5. La diversification de l’alimentation de l’abeille est donc essentielle pour éviter des carences alimentaires 8. Bien que la surface accessible pour l’approvisionnement de l’abeille soit estimée à 50 km2, la distance efficace de butinage avoisine les 2 km seulement B. Les indices phénologiques, notamment la floraison des plantes, doivent être suivis par les apiculteurs pour évaluer les sources potentielles de pollen autour du rucher. Rappelons aussi que les effets d’un ravitaillement satisfaisant en pollen se manifestent après 5 à 6 semaines; le temps requis pour qu’une jeune larve devienne butineuse 8. D’autre part, les travaux d’Alaux et collaborateurs (2011) montrent que la consommation de pollen par l’abeille a une influence favorable sur des gènes liés à la longévité et la production de certains peptides antimicrobiens, D’un autre côté, cette étude souligne les effets délétères du parasitisme par Varroa, responsable du développement de populations virales et d’une diminution du métabolisme, Les mêmes auteurs notent que l’ingestion de pollen n’avait pas entrainé d’action réversible sur ces effets nuisibles 6. Par conséquent, s’il est établi qu’une alimentation riche et variée favorise la bonne santé de l’abeille, il est aussi prouvé que l’ensemble des mesures sanitaires (traitements antiparasitaires, etc.) est indispensable pour la préserver!

Textes et photos Dr Joseph Hemmerlé © reproduction interdite

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