Dans le courant des années 90 sont apparus des problèmes qu’on regroupe généralement sous le terme de « dépérissement » (notamment : la disparition des abeilles qui laisse des ruches vides ou pratiquement vides, avec des provisions non consommées et en parfait état ; des affaiblissements significatifs de colonies sans signes cliniques de maladies ; des problèmes de fertilité et de fécondation des reines d’abeilles). On peut qualifier cette apparition de brutale dans la mesure où, dans les pays ou les régions touchées, c’est par dizaine que des ruchers ont été détruits dans de grandes proportions (il n’est pas rare qu’un rucher soit entièrement touché et que la mortalité y atteigne 80 % des colonies), quasiment du jour au lendemain. La coïncidence temporelle entre l’apparition de ces problèmes, qui touchent aujourd’hui plusieurs continents, et l’apparition sur le marché d’insecticides utilisés en enrobage de semences, a fait soupçonner ces derniers par les apiculteurs. Précisons d’emblée que ces insecticides protègent la plante pendant toute la durée de sa croissance en l’imprégnant d’insecticide au départ de l’enrobage de la semence : ils sont dits systémiques, par opposition aux insecticides qui agissent par contact. Vu qu’un pesticide ne peut être mis sur le marché qu’après une évaluation des risques qu’il pose en matière de santé humaine, animale ou d’environnement, nous nous sommes intéressés aux dossiers d’évaluation de ces molécules et sommes allés en consulter auprès des administrations compétentes, européennes et nationales. Il est ainsi apparu que l’évaluation scientifique des effets de telles molécules n’était pas suffisante. L’évaluation se fait en respectant un schéma qui fait l’objet de lignes-guides officielles. Ces lignes-guides disent quelles études scientifiques il faut réaliser, et selon quelles méthodes ; elles disent aussi si, en vertu des résultats trouvés dans les premières études (on dit « les études de premier seuil »), il faut faire des études complémentaires et lesquelles.