Que prévoit le schéma d’évaluation actuel ?
Le schéma actuel ne prévoit que la mesure de la toxicité aiguë pour l’abeille. Tous les autres effets sont évalués uniquement au travers d’études en tunnel ou en champ (mortalité lorsque l’abeille est exposée de façon chronique ; effets sublétaux, c’est à dire non mortels mais susceptibles d’affecter le comportement ou la santé de l’abeille). La mesure de la toxicité aiguë n’est pas suffisante car la toxicité chronique peut être beaucoup plus élevée (plusieurs dizaines de fois pour certaines molécules). Les essais en tunnel ou en champ ne permettent pas de compléter l’évaluation de façon satisfaisante car ils présentent plusieurs biais.
• L’exposition effective de l’abeille n’est pas assurée. En effet, les abeilles sont mises en tunnel ou au champ avec des provisions ; rien ne prouve qu’elles aient consommé le pollen traité plutôt que celui qui était en magasin. Même en ce qui concerne le nectar il peut y avoir problème, car l’abeille prélève du miel existant dans la ruche avant de partir butiner et c’est celui-ci qu’elle digèrera en premier, avant le nectar contaminé. En champ, ce problème est encore plus accusé, puisque l’abeille choisit ses sources de nourritures dans un rayon de 3 km autour de sa ruche.
• Le tunnel engendre un confinement de l’abeille, ce qui entraîne divers problèmes, en particulier la diminution drastique du couvain ; ces effets peuvent masquer ceux du contaminant testé.
• Les tests en champ présentent le problème du « back-ground » chimique de l’environnement. Celui-ci peut perturber la perception des effets du contaminant. De plus l’autorité, invoquant ce background, ne prend pas en considération les effets apparus dans des études en champ, alors même que ceux-ci sont marqués. Par exemple, concernant le dossier Cruiser ; dans 3 essais sur 5, les ruches traitées présentaient des problèmes graves (ruches bourdonneuses, maladies). Enfin, les voies d’exposition telles exsudation, rosée et poussière ne sont pas considérés actuellement dans le schéma d’évaluation.
En outre, actuellement aucune étude n’est exigée pour tester les effets synergiques des différentes molécules effectivement présentes dans le traitement de semences. La combinaison de fongicides avec l’insecticide est pourtant courante dans les traitements de semences : metalaxyl et néonicotinoïdes, azoles et fipronil. Ces mélanges ont des effets synergiques qui accroissent l’effet tant insecticide que fongicide ; ces effets font d’ailleurs l’objet de brevets disponibles sur le Net. Enfin, aucune étude n’investigue les effets synergiques des substances systémiques avec les maladies. Or, des études attestent de tels effets sur des espèces proches (fourmis), avec le même type de substance, avec des pathogènes du même type que l’on trouve dans les ruches. Ces effets sont d’ailleurs utilisés, comme le montre la publicité du Premise®, produit de lutte contre les termites à base d’Imidaclopride, qui explique que ce produit provoque la mort des termites en les rendant sensibles aux fungi (microchampignons) naturellement présents dans les sol.